Un journaliste de L'Observateur passe le week-end en prison : Reporters sans frontières s'interroge sur la procédure suivie

Reporters sans frontières appelle les autorités tchadiennes à faire la lumière sur les événements ayant conduit Laïssou Bagamala, pigiste de l'hebdomadaire indépendant L'Observateur, à passer quatre jours en prison du 2 au 5 septembre 2005, sur la base d'une plainte en diffamation et, selon ses informations, en violation d'un certain nombre de procédures. « Il semble que certains profitent de la vulnérabilité actuelle de L'Observateur pour régler leurs comptes personnels, a déclaré Reporters sans frontières. Dans un climat aussi tendu que celui qui règne depuis le mois de juillet au Tchad, il est important que le gouvernement veille à l'application stricte du droit lorsqu'un conflit oppose la presse et la société. Or, dans cette affaire, il apparaît qu'un journaliste a non seulement fait les frais d'une législation liberticide, mais également de dysfonctionnements au sein de la machine judiciaire. Nous demandons aux autorités de faire la lumière sur cet épisode qui dégrade encore davantage les relations entre les autorités et la presse, et, le cas échéant, de prononcer des sanctions appropriées. » Laïssou Bagamala, pigiste de L'Observateur, a été convoqué au commissariat du 7e arrondissement de N'Djamena, le 2 septembre à la mi-journée, après qu'une patronne de bar a porté plainte contre lui pour « diffamation ». La plaignante se référait à un article paru dans le numéro 338 du journal, reproduisant le récit d'un commerçant ne parvenant pas à faire exécuter plusieurs jugements en sa faveur dans une affaire foncière. L'homme cité par L'Observateur, ainsi que les commentaires du journaliste, mettaient en cause la patronne de bar et un greffier, appuyés par la deuxième chambre de la cour d'appel de N'Djaména, laissant entendre que ceux-ci cherchaient à « asphyxier financièrement le pauvre boutiquier » pour le contraindre à céder un terrain hérité de son père. Dans son récit, le commerçant indiquait que le greffier lui avait extorqué 50 000 francs CFA (environ 76 euros) trois fois de suite, afin de retarder une procédure lancée contre lui. Après avoir passé 24 heures au commissariat, Laïssou Bagamala a été entendu par le procureur de la République, puis transféré à la maison d'arrêt de N'Djamena. Selon les informations de Reporters sans frontières, il a été libéré le 5 septembre en fin de journée sur intervention du ministère de la Justice, dans l'attente de son procès. Selon une source locale, la hiérarchie ministérielle s'est rendu compte que l'incarcération du journaliste s'était faite dans l'opacité, notamment sans que l'administration pénitentiaire en soit informée. Le directeur de publication par intérim de L'Observateur, Sy Michel Dieudonné, a indiqué que l'article de Laïssou Bagamala avait valu à son journal de recevoir des menaces et que, pour permettre à la justice d'élucider l'affaire ayant conduit un de ses journalistes en prison, il avait porté plainte contre le greffier et contre le substitut du procureur de la République. Quatre journalistes sont actuellement incarcérés au Tchad pour des délits de presse. Samory Ngaradoumbé, Garondé Djarma et Sy Koumbo Singa Gali, respectivement coordinateur de la rédaction, chroniqueur et directrice de la publication de L'Observateur, ont été condamnés en juillet et août 2005 à des peines allant de trois mois à quatre ans de prison pour « diffamation » et « incitation à la haine ». Michaël Didama, directeur de l'hebdomadaire Le Temps, purge quant à lui une peine de six mois prison pour les mêmes charges. Une délégation de Reporters sans frontières se rendra au Tchad du 20 au 27 septembre, afin de recueillir les points de vue des protagonistes de cette crise et de proposer des solutions rapides.
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Updated on 20.01.2016