Un journaliste de Córdoba victime d’acharnement judiciaire : lettre ouverte au ministre de la Justice
Organisation :
A l’attention de
M. Julio César Alak
Ministre de la Justice et des Droits de l’Homme
Buenos Aires, Capitale fédérale Monsieur le Ministre, Reporters sans frontières, organisation internationale de défense de la liberté de l’information, vous exprime sa très vive préoccupation concernant le sort de Néstor Omar Pasquini, propriétaire et directeur de la station locale Radio FM Show dans la province de Córdoba. Depuis près de six ans, cet homme subit un véritable acharnement judiciaire qui ne peut rester sans réponse. L’affaire a débuté le 4 décembre 2006. Ce jour-là, des habitants de Corral de Bustos avaient crié leur colère dans la rue après le viol et l’assassinat d’une petite fille de deux ans, Ariana Sabache. Violente, la manifestation s’était soldée par l’incendie du tribunal municipal ainsi que de la voiture d’un magistrat. Quarante personnes avaient été arrêtées dont Néstor Pasquini et son collègue d’une autre radio, Hugo Francischelli, pour “tentative d’incendie criminel”, “incitation à la violence” et “blessures légères”. L’un et l’autre ont séjourné une première fois en prison à titre préventif, du 20 décembre 2006 au 16 mars 2007 avant d’être remis en liberté faute de preuves. Des deux hommes, seul Néstor Pasquini a été inquiété par la suite. Le Tribunal supérieur de Justice de Córdoba (TSJ) a curieusement ordonné, le 28 juin 2007, une nouvelle période de détention préventive à l’encontre du directeur de Radio FM Show et de deux autres coaccusés. Néstor Pasquini, qui n’a jamais cherché à se soustraire à la justice, est donc retourné en prison le 3 juillet 2007. Il en a été libéré après un recours présenté le 13 mars 2008 par ses avocats du moment, Cecilia Pérez Correa et Claudio Orroz, auprès du TSJ de Córdoba. Sur le fond de l’affaire, les doutes subsistent et devraient bénéficier à l’accusé. Or, le 12 septembre 2011, Néstor Pasquini a été condamné à sept ans de prison pour sa présumée participation aux violences de Corral de Bustos et aussitôt renvoyé en prison. Il se trouve désormais au pénitencier de Bell Ville. Son nouvel avocat, Alfredo Brouwer, a introduit deux recours auprès du TSJ de Córdoba : l’un sur le fond ; l’autre sur la non concession de liberté à Néstor Pasquini, pourtant octroyée précédemment par la même juridiction à l’intéressé, alors que la sentence fait l’objet d’un appel et n’est donc pas définitive. Ce dernier recours a été rejeté le 3 octobre 2012. Alfredo Brouwer a, depuis, décidé de contester l’incarcération de son client devant la Suprême Cour de Justice de la Nation (SCJN) et la Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH). La procédure d’appel sur le fond reste en attente. Un tel retard est, selon nous, révélateur d’un grave dysfonctionnement judiciaire. Comme nous l’a rappelé son avocat, les accusations portées contre Néstor Pasquini ne reposent que sur trois témoignages, bien loin des quelque 200 à décharge recueillis par ses défenseurs. L’un des accusateurs du journaliste s’est d’ailleurs rétracté, tandis que les deux autres sont des fonctionnaires du pouvoir judiciaire local que Néstor Pasquini avait lui-même critiqués par le passé. Les autorités judiciaires de Corral de Bustos avaient toutes les raisons d’en vouloir au journaliste, qui les avait mises en cause pour des affaires de corruption. Compte tenu de ces antécédents, le procès de Néstor Pasquini aurait dû être délocalisé par souci d’impartialité. Les violences du 4 décembre 2006 ont-elles servi de prétexte à une vengeance personnelle des juges locaux contre un journaliste considéré comme gênant ? Nous avons tout lieu de croire en cette hypothèse. Jamais nous n’avons eu connaissance de semblable situation en Argentine, où les journalistes ne courent plus aucun risque d’emprisonnement en raison de leur activité depuis la dépénalisation des délits de “calomnie”, “diffamation” et “injure” en novembre 2009. Nous sommes, à cet égard, convaincus que les autorités fédérales ne pourront laisser s’éterniser l’anomalie judiciaire dont est victime Néstor Pasquini, abusivement privé de liberté. En vous remerciant d’avance de l’attention que vous porterez à cette lettre, je vous prie d’agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de ma haute considération. Christophe Deloire
Secrétaire général de Reporters sans frontières
Ministre de la Justice et des Droits de l’Homme
Buenos Aires, Capitale fédérale Monsieur le Ministre, Reporters sans frontières, organisation internationale de défense de la liberté de l’information, vous exprime sa très vive préoccupation concernant le sort de Néstor Omar Pasquini, propriétaire et directeur de la station locale Radio FM Show dans la province de Córdoba. Depuis près de six ans, cet homme subit un véritable acharnement judiciaire qui ne peut rester sans réponse. L’affaire a débuté le 4 décembre 2006. Ce jour-là, des habitants de Corral de Bustos avaient crié leur colère dans la rue après le viol et l’assassinat d’une petite fille de deux ans, Ariana Sabache. Violente, la manifestation s’était soldée par l’incendie du tribunal municipal ainsi que de la voiture d’un magistrat. Quarante personnes avaient été arrêtées dont Néstor Pasquini et son collègue d’une autre radio, Hugo Francischelli, pour “tentative d’incendie criminel”, “incitation à la violence” et “blessures légères”. L’un et l’autre ont séjourné une première fois en prison à titre préventif, du 20 décembre 2006 au 16 mars 2007 avant d’être remis en liberté faute de preuves. Des deux hommes, seul Néstor Pasquini a été inquiété par la suite. Le Tribunal supérieur de Justice de Córdoba (TSJ) a curieusement ordonné, le 28 juin 2007, une nouvelle période de détention préventive à l’encontre du directeur de Radio FM Show et de deux autres coaccusés. Néstor Pasquini, qui n’a jamais cherché à se soustraire à la justice, est donc retourné en prison le 3 juillet 2007. Il en a été libéré après un recours présenté le 13 mars 2008 par ses avocats du moment, Cecilia Pérez Correa et Claudio Orroz, auprès du TSJ de Córdoba. Sur le fond de l’affaire, les doutes subsistent et devraient bénéficier à l’accusé. Or, le 12 septembre 2011, Néstor Pasquini a été condamné à sept ans de prison pour sa présumée participation aux violences de Corral de Bustos et aussitôt renvoyé en prison. Il se trouve désormais au pénitencier de Bell Ville. Son nouvel avocat, Alfredo Brouwer, a introduit deux recours auprès du TSJ de Córdoba : l’un sur le fond ; l’autre sur la non concession de liberté à Néstor Pasquini, pourtant octroyée précédemment par la même juridiction à l’intéressé, alors que la sentence fait l’objet d’un appel et n’est donc pas définitive. Ce dernier recours a été rejeté le 3 octobre 2012. Alfredo Brouwer a, depuis, décidé de contester l’incarcération de son client devant la Suprême Cour de Justice de la Nation (SCJN) et la Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH). La procédure d’appel sur le fond reste en attente. Un tel retard est, selon nous, révélateur d’un grave dysfonctionnement judiciaire. Comme nous l’a rappelé son avocat, les accusations portées contre Néstor Pasquini ne reposent que sur trois témoignages, bien loin des quelque 200 à décharge recueillis par ses défenseurs. L’un des accusateurs du journaliste s’est d’ailleurs rétracté, tandis que les deux autres sont des fonctionnaires du pouvoir judiciaire local que Néstor Pasquini avait lui-même critiqués par le passé. Les autorités judiciaires de Corral de Bustos avaient toutes les raisons d’en vouloir au journaliste, qui les avait mises en cause pour des affaires de corruption. Compte tenu de ces antécédents, le procès de Néstor Pasquini aurait dû être délocalisé par souci d’impartialité. Les violences du 4 décembre 2006 ont-elles servi de prétexte à une vengeance personnelle des juges locaux contre un journaliste considéré comme gênant ? Nous avons tout lieu de croire en cette hypothèse. Jamais nous n’avons eu connaissance de semblable situation en Argentine, où les journalistes ne courent plus aucun risque d’emprisonnement en raison de leur activité depuis la dépénalisation des délits de “calomnie”, “diffamation” et “injure” en novembre 2009. Nous sommes, à cet égard, convaincus que les autorités fédérales ne pourront laisser s’éterniser l’anomalie judiciaire dont est victime Néstor Pasquini, abusivement privé de liberté. En vous remerciant d’avance de l’attention que vous porterez à cette lettre, je vous prie d’agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de ma haute considération. Christophe Deloire
Secrétaire général de Reporters sans frontières
Publié le
Updated on
20.01.2016