Un journaliste assassiné dans un climat de violences continues contre la presse
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Reporters sans frontières condamne le meurtre du journaliste népalais Yadav Poudel, correspondant du quotidien Rajdhani Daily et de la chaîne Avenues Television, brutalement tué dans la nuit du 3 au 4 avril 2012, vers minuit, à Birtamod, dans le district de Jhapa (est du pays).
“Nous présentons nos condoléances à la famille et aux proches du journaliste. L’assassinat de Yadav Poudel survient dans un contexte de menaces permanentes et d'insécurité croissante pour les journalistes. Nous appelons les autorités à ne pas négliger la piste journalistique dans leur enquête et à traduire en justice dans les plus brefs délais les auteurs et les commanditaires”, a déclaré Reporters sans frontières.
“Les violences contre la presse sont en augmentation depuis plusieurs semaines et demeurent impunies. Les professionnels des médias ne doivent pas être les victimes collatérales de l’instabilité politique du pays, et qui pourrait s’aggraver dans les prochains mois. Une action du gouvernement est nécessaire afin de renforcer la protection des journalistes et de mettre fin au climat d’insécurité qui sévit. La liberté de la presse et de l’information participent toujours à la stabilisation politique”, a ajouté l’organisation.
Le corps de Yadav Poudel, 40 ans, a été retrouvé par la police mercredi matin à l’extérieur du Purbanchal Sekuwa Corner Hôtel près de la station de bus de Birtamod, dans le district de Jhapa. Selon le rapport d’autopsie, le corps présenterait des blessures à la tête, la main droite serait fracturée, des côtes seraient cassées et le foie écrasé. D’après les médias locaux, les habitants des alentours auraient entendu des personnes à moto crier pendant la nuit que le journaliste était caché dans l'hôtel et qu’il fallait le tuer. Selon la reconstitution de la police, Yadav Poudel aurait été jeté du troisième étage de l'hôtel après avoir été roué de coups.
Vous pouvez consulter la vidéo sur le site du Firstpost.
Récemment, le journaliste avait publié un article sur des cas de prostitution dans des hôtels autour de la station de bus de Birtamod, qui avait entraîné des arrestations dans le Purbanchal Sekuwa Corner Hôtel, alors appelé Fewa Hôtel. Toutefois, le propriétaire avait continué ses activités en changeant le nom de son établissement.
Selon certaines sources, le journaliste se serait rendu dans l'hôtel pour dîner avec un autre propriétaire hôtelier, Yuvaraj Giri, afin de discuter du lancement d’un nouveau quotidien, Ujyalo Poorba. Les propriétaires du Purbanchal Sekuwa Corner Hotel, Somnath Dhakal et sa femme Manju, auraient également participé au repas.
Six personnes seraient arrivées à moto vers minuit et demi. Yuvaraj Giri se serait enfui alors que Yadav Poudel n’aurait pu échapper au groupe de motards.
La police, qui a déclaré vouloir identifier toutes les personnes impliquées dans ce meurtre, aurait déjà arrêté 22 suspects, parmi lesquels le couple de propriétaires de l'hôtel.
Shiva Gaule, président de la Federation of Nepali Journalists (FNJ), lors d’une réunion d’urgence à Katmandou, a fermement condamné le meurtre, qu’il soupçonne avoir été planifié, et a demandé à la police qu’une action immédiate soit menée afin de retrouver les coupables.
Exerçant son métier de journaliste depuis plus de cinq ans, Yadav Poudel, qui travaillait également comme correcteur pour le journal local Mechi Times, avait aussi assumé la fonction de secrétaire de l’union de la presse de Jhapa (Jhapa Press Union). Le journaliste, dont les cendres ont été dispersées dans le fleuve Kankai le 4 avril en présence de représentants du monde de la presse et des droits de l’homme, laisse derrière lui sa mère, sa femme et un fils de 14 ans.
Au cours des semaines qui ont précédé le meurtre du journaliste, les cas de menaces et de mauvais traitements de journalistes se sont multipliés.
Le 2 avril, Umesh Kumar Mehta, journaliste à Popular FM et membre du FNJ, a été menacé de mort par téléphone à Inaruwa (Est) à cause de ses reportages sur des irrégularités dans les élections du comité de gestion d’une école à Madhyaharsahi (Sunsari, est) par Shyam Lal Mehta, futur président du comité.
Le 22 mars Sashi Bichitra, éditeur en chef de l’hebdomadaire New Highway, publié dans le district du Parsa (centre-est du pays), a été menacé de mort par téléphone. Selon le journaliste, les menaces pourraient être liées à ses reportages sur des activités de contrebande dans la zone de Sarlahi.
Shravan Deuba, journaliste au Nayapatrika Daily, Deepak Oli du Sourya Daily, et Bhim Chaudhari, de Tarai Television, ont été kidnappés le 12 mars 2012 à 19h30 par un groupe de trafiquants à Kailali (ouest), retenus captifs pendant deux heures et menacés de mort s’ils publiaient leurs reportages sur la contrebande de bois. Les trois journalistes se trouvaient dans une zone de déforestation pour collecter des informations et faire des photographies.
L’écrivain et journaliste Kanak Mani Dixit, Kul Chandra Gautam, un membre de l’UNICEF, et Subodh Raj Pyakurel, un activiste des droits de l’homme, ont fait l’objet de menaces de mort, suite à leurs critiques envers le président du Parti communiste unifié du Népal (UCPN-Maoïste), Pushpa Kamal Dahal 'Prachanda'. Kanak Mani Dixit a été déclaré ‘ennemi du peuple’ dans un article publié le 30 janvier 2012 dans la revue mensuelle Lalrakshak (“Gardes Rouges”), voix de l’UCPN-M.
Le Népal se situe à la 106ème place, sur 179 pays recensés, dans le classement de la liberté de la presse 2011-2012 de Reporters sans frontières.
Publié le
Updated on
20.01.2016