Un journaliste américano-nigérian interpellé à l'aéroport de Lagos, ses passeports confisqués pendant deux jours
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Le 8 janvier 2011, Okey Ndibe, professeur et journaliste de nationalité américano-nigériane, a été interrogé pendant plusieurs heures par le State Security Service (SSS, Services de renseignements intérieurs) à son arrivée à l’aéroport international Muritala Muhammed de Lagos. Sans aucune explication, ses deux passeports américain et nigérian ont été confisqués. Ils ne lui ont été remis que le 10 janvier, après une nouvelle convocation par les agents des services de renseignements.
Reporters sans frontières, indignée par les abus de pouvoir du SSS et l'opacité qui entoure leurs méthodes, demande aux autorités nigérianes de fournir sans délai des explications sur cet incident. Est-ce parce qu'Okey Ndibe émet des critiques au vitriol contre le gouvernement qu'il a eu droit à ce "traitement spécial"? Nous condamnons la permanence de réflexes répressifs vis-à-vis des voix indépendantes dans ce pays où les journalistes exercent déjà dans des conditions difficiles.
Okey Ndibe réside aux Etats-Unis où il enseigne la littérature anglaise au Trinity College (Connecticut) et à l’université de Brown (Rhode Island). Il tient une rubrique politique hebdomadaire pour le quotidien nigérian The Sun et contribue régulièrement à des publications nigérianes. Selon le journaliste, le gouvernement nigérian, mécontent du ton critique de ses articles, serait à l’origine de sa courte détention et de la saisie de ses deux passeports.
En 2007, Okey Ndibe avait fermement condamné l’élection, qu’il jugeait frauduleuse, du président Umaru Yar’Adua, suscitant le mécontentement du pouvoir en place. Ndibe affirme qu’une source anonyme l’avait prévenu qu’un mandat d’arrêt avait été émis contre lui en 2008. Il n’était pas retourné au Nigéria depuis.
Le journaliste raconte son arrestation sur le site www.saharareporters.com ainsi que dans un article en ligne sur le site de The Sun
Alors que la tenue d’élections générales en avril 2011 suscite des inquiétudes, Okey Ndibe a récemment affirmé que "le Nigéria (était) devenu le royaume des terroristes et des criminels". Il a réitéré, dimanche 9 janvier, ses critiques contre le gouvernement et a cependant déclaré ne pas être inquiet pour son sort : "Je n’ai violé aucune loi et je n’ai donc aucune raison de m’en faire".
L'incident concernant ce journaliste a suscité de vives réactions. Pour le Professeur Wole Soyinka, prix Nobel nigérian de Littérature, "la névrose électorale a pris la forme d’un appareil sécuritaire inepte et insensible (…). Cela ne doit plus jamais se reproduire. La nation doit rester vigilante et préserver ses droits, lesquels incluent la liberté d’expression, la liberté d’association et la liberté de mouvement. Leur violation – peu importe qui en est la victime – relève de la responsabilité collective et doit être sévèrement punie. La marche vers le fascisme commence par ce genre de violations apparemment innocentes".
Deux associations nigérianes basées aux Etats-Unis, le Nigeria Democratic Liberty Forum (NDLF) et le Nigeria Peoples’ Parliament in the Diaspora (NPPID), disent craindre "une résurgence du terrorisme officiel de la part du gouvernement fédéral et de ses forces de sécurité" rappelant "les heures noires de l’histoire de notre pays".
Reporters sans frontières a recensé au moins quarante cas d’atteinte à la liberté de la presse au Nigéria en 2010. Quatre journalistes ont été assassinés au cours de l'année, dont deux dans l’exercice de leur fonction. Le pays, l'un des plus meurtriers d'Afrique pour les journalistes et où la sécurité des professionnels de l'information est une source de préoccupation permanente, figure à la 145e place, sur 178, du classement mondial de la liberté de la presse 2010 publié par l’organisation.
Le State Security Service a figuré pendant plusieurs années parmi la liste des prédateurs de la liberté de la presse dressée par Reporters sans frontières avant d'être remplacé, en 2010, par Ogbonna Onovo, inspecteur général de la police nationale. Plus d'informations .
Photo : Okey Ndibe
Publié le
Updated on
20.01.2016