Turquie : RSF demande la fin de l’instrumentalisation de l’accès à la publicité publique contre les médias critiques

Reporters sans frontières (RSF) exhorte l’Agence de distribution des publicités publiques turque à établir des critères objectifs et démocratiques, de façon à mettre fin à une instrumentalisation privant les médias critiques de revenus publicitaires. 

Publié dans le Journal officiel le 6 juillet, après une diffusion le 27 juin, le code éthique de la presse de 1994, remis à jour par l’Agence des publicités publiques (Basin Ilan Kurumu ou Bik), pose de nouvelles conditions d’accès à la publicité publique pour la presse, leurs sites Internet et leurs réseaux sociaux. 

“Nous sommes préoccupés par les nouveaux principes éthiques énoncés par cette agence. Nul doute que la pression publicitaire sera renforcée et que la ligne éditoriale des médias critiques sera directement visée, en particulier en ce qui concerne leur couverture en faveur du combat des femmes, des personnes LGBT et des minorités, a déclaré le représentant de RSF en Turquie, Erol Onderoglu. Le pouvoir turc ne fait que poursuivre une politique qui exclut la presse critique de toute forme de reconnaissance et de revenu.”

 

RSF se joint aux 11 organisations nationales de la profession en Turquie – Association turque des journalistes (TGC), Syndicat des journalistes (TGS), Association contemporaine des journalistes (CGD), Association des journalistes du parlement, etc. – pour dénoncer les termes vagues et flous figurant dans le code éthique révisé, susceptibles de donner lieu à une pratique arbitraire, visant à priver les médias récalcitrants de revenu publicitaire.  

Pressions publicitaires avec les "valeurs nationales et morales"

Parmi les dispositions susceptibles de menacer la liberté de la presse, le principe de l'interdiction de “diffuser des informations ou des images des organisations terroristes, de leurs membres ou des faits les concernant, de façon à les rendre légitimes”, inquiète  la profession, tant  son interprétation dépendra des autorités du Bik. Mais ce sont les références aux “valeurs de la famille turque” et aux “valeurs nationales et morales” qui sont le plus à craindre. Désormais, il est défendu de publier des informations qui  porteraient “atteinte à la formation de la famille, qui représente la base de la société, et à la protection de la famille ou encore qui “fragiliser[aient] les valeurs communes nationales et morales de la société turque”

Ces organisations estiment que ces termes flous, sans précision juridique, prêtent à des interprétations qui peuvent varier d’une personne à une autre. Par conséquent, elles craignent une manipulation de ces normes pour sanctionner et marginaliser les médias qui ne seraient pas en accord avec le  pouvoir en place. 

Appareil répressif sous une hyper présidence

 Depuis l’instauration du système d’hyper présidence de Recep Tayyip Erdogan en 2018, les organes dits d’autorégulation, tels que l’Agence des publicités publiques (Bik), le Conseil supérieur de l’audiovisuel (RTÜK) et la Commission de la carte de presse (Cik) représentent les pièces motrices de l’appareil répressif

Le 6 février 2020, une délégation internationale d’ONG de journalistes (dont RSF, IPI, EFJ et CPJ), en mission à Istanbul et à Ankara, s’était entretenue avec les représentants de la Bik et avait fait part de ses préoccupations. Malgré cela, les sanctions ont continué de viser, à plus de 90%, Cumhuriyet (République), BirGün (Jour), Evrensel (Universel), Yeni Asya (Asie Nouvelle), etc., soit les principaux médias faisant partie de la poignée de quotidiens critiques. 

En 2020, ces médias critiques avaient écopé d’une privation de diffusion de publicité pendant une durée totale de 276 jours.  

Fondée en 1961, la Bik, dont le conseil général est composé de 36 membres (dont 12 de la Présidence, 12 du secteur des “médias” et 12 “indépendants”), a été mise en cause en 2021, pour avoir laissé exercer des membres dont le mandat de deux ans était terminé.

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