Tunise : neuf journalistes victimes de violences policières en marge d’une manifestation

Plusieurs journalistes ont été violemment empêchés par les forces de l’ordre de couvrir la première manifestation organisée depuis l’instauration de l’état d’exception en Tunisie. Reporters sans frontières (RSF) dénonce ces violences policières et appelle au respect du travail des journalistes.

Mercredi 1er septembre, neuf journalistes ont été la cible de violence par les forces de l’ordre alors qu’ils couvraient la première manifestation organisée depuis la mise en place des mesures d’exception, le 25 juillet dernier. Ce rassemblement a eu lieu à l’appel du mouvement Manech Msalmine (‘Nous ne laissons pas tomber’), qui réclame la vérité dans l’affaire des assassinats politiques des leaders de la gauche tunisienne Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi, abattus par balles, en 2013, à quelques mois d’intervalles. 

Alors qu’ils tentaient de couvrir cette manifestation devant le théâtre municipal de l’avenue Habib Bourguiba, dans le centre-ville de Tunis, le photographe Aymen Touihri du média d’investigation en ligne Inkyfada, les photographes de presse indépendants Noureddine Ahmed et Ahmed Zarrouki, la journaliste Yosra Chikhaoui de Hakaek on line, les journalistes indépendants Intissar Kssara et Ali Bouchoucha, la rédactrice en chef du site Kashf Media Khaoula Boukrim et Saber Ayari, journaliste du site Tounes Tatahara (Tunifact) ont été violemment bousculés et empêchés de faire leur travail sur place. 

Une journaliste a également été légèrement blessée. Alors qu’elle tentait de filmer la manifestation, Ghaya Ben Mbarek, qui travaille pour les médias en ligne Meshkal et Nawaat, a été interpellée par un policier qui lui a demandé de présenter sa carte professionnelle et son dossard presse. “Je me suis offusquée et le policier m’a frappée au thorax et à l'abdomen avant de me bousculer violemment, explique-t-elle à RSF. Alors que j'étais au sol, j’ai vu un policier agresser physiquement un manifestant. Je n’ai pas eu le temps de filmer car un autre policier s’est jeté sur moi et m’a propulsée en l’air. Je me suis retrouvée au sol, blessée au dos.” 

Selon le journaliste Ali Bouchoucha, les reporters sur place avaient pris soin de s’identifier comme journalistes et ne s’étaient pas mêlés ni aux manifestants, ni aux policiers, choisissant un angle de vue qui leur permette de couvrir la manifestation dans son ensemble. 

Ces violences policières sont inacceptables, l’état d’exception que connaît la Tunisie ne légitime aucunement de restreindre la liberté de la presse, déclare le directeur du bureau Afrique du Nord de RSF, Souhaieb Khayati. La couverture des événements qui secouent le pays par les journalistes est la seule source d’information fiable et la garantie pour la poursuite d’un vrai processus démocratique.”

Le 25 juillet dernier, après une crise institutionnelle de presque deux ans, le président Kaïs Saïed a gelé le parlement, démis le chef du gouvernement de ses fonctions et proclamé l’état d'exception pour un mois. Depuis, le chef de l’État a prolongé la mesure jusqu’à nouvel ordre, sans pour autant nommer un nouveau chef du gouvernement ou dévoiler son échéancier pour un retour vers la légalité.

La Tunisie se classe 73e sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2021.

Publié le
Updated on 02.09.2021