Reporters sans frontières constate que l'escalade dans la violence envers les médias s'est poursuivie à l'occasion du référendum d'autonomie à Santa Cruz, le 4 mai 2008. L'organisation invite le nouveau porte-parole du président Evo Morales, journaliste de métier, à susciter une concertation entre tous les acteurs politiques.
Reporters sans frontières est alarmée par les multiples attaques contre les médias constatées à l'occasion du référendum autonomiste dans le département de Santa Cruz (Est), le 4 mai 2008. Trois journalistes ont été blessés. Par ailleurs, un incendie a endommagé les installations d'une chaîne de télévision à El Alto (La Paz, Ouest).
“Depuis plus d'un an, la presse bolivienne doit composer avec l'agressivité extrême de militants pour qui un journaliste serait le soutien d'un camp politique en fonction de son média d'appartenance, public ou privé. Cette vindicte systématique contre la presse s'est déjà soldée par la mort d'un employé d'une station de radio municipale, au mois de mars près de La Paz. Y aura-t-il une limite à cette escalade ? Nous invitons le nouveau porte-parole du président Evo Morales et ancien journaliste, Iván Canelas, qui nous a récemment accordé un entretien, à réunir au plus vite les représentants de la classe politique afin d'obtenir toutes les garanties nécessaires en matière de liberté de la presse, de liberté d'expression et de sécurité des journalistes”, a déclaré Reporters sans frontières.
Le 3 mai 2008 à Yapacaní (région de Santa Cruz), Miguel Carrasco, photographe du quotidien La Razón, a été agressé alors qu'il couvrait une manifestation de migrants de l'altiplano hostiles au référendum. Ces derniers ont remarqué que le journaliste les photographiait, tandis qu'ils faisaient le siège d'une permanence du mouvement autonomiste. “J'ai voulu m'enfuir, mais ils m'ont rattrapé, encerclé et ont commencé à me frapper. Je suis tombé à terre, et j'ai reçu des coups de pied. J'ai essayé de protéger mon appareil photo, jusqu'à ce quelqu'un me frappe avec une branche d'arbre et je me suis évanoui. C'est alors qu'ils ont pris mon appareil photo”, a confié Miguel Carrasco à Reporters sans frontières. D'après le photographe, les agresseurs l'accusaient d'être au service des dirigeants autonomistes Rubén Costa, gouverneur de Santa Cruz, et Branko Marinkovic, président du Comité civique du même département. Malgré l'intervention d'Alvaro Arias, journaliste de La Razón, auprès des manifestants, l'appareil photo et le portefeuille de Miguel Carrasco ne lui ont pas été restitués. Miguel Carrasco a été hospitalisé à Yapacaní.
Le même jour, à Montero (région de Santa Cruz), où de partisans et opposants au référendum se sont affrontés, José Luís Herrera Rojas, cameraman de la chaîne privée Red Unitel, blessé au visage par une pierre, a été admis à l'hôpital. D'autres journalistes des chaînes privées PAT, Red Uno et Canal 18 ont été victimes de jets de gaz lacrymogène.
Le 4 mai, devant le Centre international de presse installé à Santa Cruz de la Sierra à l'occasion du référendum, Maritza Roca Bruno, journaliste de Radio Marítima, a été agressé par cinq personnes - dont Homero Amorín, fonctionnaire du gouvernement central -, surprises dans une camionnette chargée de bulletins de vote. “Ils voulaient dénoncer une supposée fraude à la presse internationale. J'ai demandé où avaient-ils trouvé le matériel en question. Une femme m'a alors administré un coup de poing et a dit que j'étais une journaliste vendue. Ils m'ont ensuite insultée et menacé de mort, et m'ont dit que j'étais suivie”, a déclaré Maritza Roca Bruno à Reporters sans frontières.
Toujours le 4 mai, à El Alto, des opposants au référendum ont jeté des pierres sur les installations de la chaîne Canal 24, propriété du gouverneur de La Paz, José Luis Paredes, allié politique des autonomistes. Les manifestants ont ensuite brûlé des pneus devant l'entrée de la télévision, et malgré l'intervention de la police anti-émeutes une partie des locaux a été endommagée. Les émissions de Canal 24 ont été suspendues pendant toute la soirée du 4 mai avant de reprendre le lendemain matin.
L'Association nationale de presse (ANP) a condamné ces agressions, le 5 mai. L'Association de journalistes de La Paz (APLP), par la voix de son président Renán Estenssoro, a pour sa part rappelé que les médias ne sont pas des acteurs politiques : “Nous ne faisons que notre mission, informer la société”.