Trois journalistes arrêtés - Nouvelles intimidations contre les proches des prisonniers et leurs défenseurs

Cinq mois après le début des manifestations contre la réélection contestée de Mahmoud Ahmadinejad, trois autres journalistes ont été arrêtés et les intimidations se multiplient contre les soutiens des trente-quatre journalistes et bloggeurs incarcérés en Iran.

« Nous redoutons qu’à force de brutalité, d’intimidation et de censure, les autorités ne parviennent à vider l’Iran de tous ses journalistes indépendants et blogueurs. Ces derniers doivent faire le choix entre se taire, dénoncer et rejoindre leurs collègues en prison, ou fuir le pays », s’alarme l’organisation.

Le journaliste de l’hebdomadaire Karfto, suspendu en 2008, Ako Kurdnasab, a été arrêté le 12 novembre 2009 par les forces de l’ordre, suite à sa participation à une manifestation contre l’exécution d’un jeune prisonnier politique dans la ville Sanandaj (Kurdistan). Le journaliste a été transféré vers un lieu inconnu et sa famille est sans nouvelles de lui depuis son arrestation. En 2007, le journaliste avait été arrêté et condamné à six mois de prison pour “tentative de renversement du régime via ses activités journalistiques“. Lire les communiqués de presse sur Ako Kurdnasab, datés du 14 novembre 2007 et du 4 janvier 2008.

Le 14 novembre, Mazadk Ali Nazari le directeur du site “Les journalistes pour la paix“ a pu informer, par téléphone, sa famille de son arrestation, sans pour autant pouvoir lui communiquer la date de son arrestation et le lieu de son incarcération. Le journaliste, qui vivait seul à Téhéran, avait disparu depuis plusieurs jours. Suite aux manifestations du 4 novembre, une dizaine de manifestants n’ont toujours pas regagné leur domicile, malgré les déclarations du procureur de Téhéran, qui affirme que toutes les personnes arrêtées ont été libérées. Mais le cas du Mazadk Ali Nazari n’est pas isolé : les arrestations arbitraires aujourd’hui en Iran ressemblent de plus en plus à des disparitions forcées.

Reporters sans frontières a appris l’arrestation, le 29 octobre, de Rahim Gholami, collaborateur pour plusieurs journaux locaux dans la ville d’Ardabil (nord-ouest de l’Iran). En mars 2006, il avait été condamné à un an de prison par la première chambre du tribunal révolutionnaire d’Ardabil, pour “publicité contre le régime“.

Les avocats des journalistes emprisonnés sont victimes de pressions constantes de la part des services de renseignements. C’est le cas notamment de l’avocate Nasrin Soutodeh, membre du Cercle des défenseurs des droits de l’homme, créé à Téhéran par Shirin Ebadi, Prix Nobel de la paix. Nasrin Soutodeh assure la défense de plusieurs journalistes emprisonnés et dénonce les nombreuses irrégularités de procédure. Elle a récemment été convoquée par les agents du ministère des Renseignements. Shirin Ebadi est actuellement à l’étranger pour une série des rencontres avec les institutions internationales, mais sa famille en Iran subit d’importantes pressions.

« J’ai été convoquée par le tribunal. Mais une fois là-bas, le juge m’a dit que j’allais être interrogée par les agents du ministère des Renseignements, ce qui est illégal. Nous subissons des pressions sans précédent. Tous les avocats défenseurs des droits de l’homme ont été au moins convoqués et interrogés », a déclaré Me Nasrin Soutodeh à Reporters sans frontières.

Par ailleurs, la police iranienne vient d’annoncer le renforcement des contrôles sur la Toile, avec la création d’une unité spéciale de douze membres, sous la direction du procureur, afin "d’agir contre les tentatives de fraude, la publicité commerciale et les fausses informations", traquant les “insultes et les mensonges". En réalité, ladite unité sera chargée de vérifier le contenu des sites d’opposition. Reporters sans frontières s’inquiète des conséquences pour la liberté d’expression sur Internet de la création d’une telle brigade spéciale.

La loi concernant les “délits d’Internet”, adoptée en août 2009, laisse le champ libre aux policiers en matière de répression. Depuis le 12 juin, malgré des contrôles draconiens, le blocage de milliers de sites d’informations et de nombreuses arrestations, Internet reste un moyen d’information et de communication important pour les opposants au régime, et pour les défenseurs des droits de l’homme. Mais les Gardiens de la Révolution sont directement impliqués dans la censure de la Toile. Dès le 17 juin 2009, le Centre de surveillance des délits, créé par cette milice qui répond aux ordres du Guide suprême, a sommé tous les directeurs des sites de supprimer “les contenus invitant la population aux émeutes, propageant menaces et rumeurs“.

Reporters sans frontières rappelle que l’Iran occupe la 172e place sur 175 du classement mondial de la liberté de la presse, établi par l’organisation en octobre 2009.
Publié le
Updated on 20.01.2016