Tribune des éditeurs de presse européens : la suppression des articles journalistiques par Google constitue une grave menace pour le financement de l’information
Google doit cesser de mettre en péril la soutenabilité et la visibilité des contenus de presse européens. Dans une tribune publiée ce jour, que Reporters sans frontières (RSF) soutient, les éditeurs de presse européens demandent à ce que l’entreprise américaine renonce à un test consistant à retirer leurs contenus journalistiques des résultats du moteur de recherche. Prétendument destiné à mesurer l’attractivité de ces contenus, ce test est inutile, malhonnête, et surtout contraire aux engagements pris par Google devant l’Autorité française de la concurrence pour la mise en œuvre de la législation européenne sur le droit d’auteur.
“Le test conduit par Google est une provocation vis-à-vis des éditeurs de presse, alors que ceux-ci demandent simplement au géant californien ce qui leur est dû en vertu de la loi française. Le test de Google a une conséquence simple, l’invisibilisation des contenus journalistiques dans les résultats du moteur de recherche, et une portée symbolique désastreuse : il doit être abandonné. C’est une condition sine qua non de la reprise des négociations visant à déterminer la juste rémunération du journalisme sur ces plateformes numériques. RSF se tient aux côtés des éditeurs de presse européens et interviendra de manière volontaire pour défendre le droit à l’information des citoyens dans la procédure contentieuse initiée en France par le Syndicat des éditeurs de presse magazine (SEPM) contre Google.”
Lire le texte de la tribune ci-dessous
Éditeurs de presse et journalistes européens : la suppression unilatérale par Google de contenus de presse de ses services sonne comme une alarme pour les démocraties européennes et constitue une menace grave pour le financement de l’information « Made in Europe ».
Éditeurs de presse et journalistes européens sont extrêmement inquiets du test conduit par Google visant à retirer de ses résultats de recherche les contenus des journaux et magazines pendant une période indéterminée pour environ 2,6 millions de citoyens européens.
Cette expérimentation, qui vise prétendument à mesurer l’apport de la presse à l’attractivité du moteur de recherche, constitue en réalité une menace grave pour la pérennité financière d’une information libre, du journalisme et pour les démocraties européennes.
Désigné « gatekeeper » par le DMA, Google bénéficie d’une influence considérable par sa situation de monopole sur la recherche en ligne : Google est de facto le premier point d’accès à la presse et à l’information pour nombre de nos concitoyens européens. Toute action visant à couper cet accès ébranle l’économie des éditeurs, le financement du journalisme, le droit à l’information des citoyens, et par conséquent l’exercice d’un débat public de qualité dans nos pays européens.
Nous, éditeurs européens qui pratiquons les négociations avec Google depuis des années, sommes convaincus que ce « test » ne servira qu’à alimenter un discours biaisé visant à dévaluer la contribution de la presse au moteur de recherche et à amoindrir d’autant la rémunération des éditeurs au titre du droit voisin.
Preuve en est le refus de donner aux éditeurs toute précision relative au test ou de garantir l’accès aux résultats, alors que par sa position même d’arbitre de son propre test, Google est en mesure de les manipuler à sa guise pour discréditer le rôle économique de la presse et sa contribution au succès de Google.
Alors que des négociations ou des renégociations ont lieu partout en Europe pour déterminer la juste rémunération, telle que prévue par la législation européenne sur le droit d’auteur, due aux éditeurs de presse pour l’affichage de leurs contenus, cette expérimentation constitue une véritable mesure d’intimidation. C’est la raison pour laquelle en France, L’Autorité de la concurrence avait anticipé ce type de conduite et identifié un risque réel de représailles. Elle a donc, dans sa décision du 21 juin 2022, interdit à Google le déréférencement de la presse durant les phases de négociation des droits, et ce afin de préserver les conditions d’une négociation de bonne foi.
Les éditeurs de presse magazine français ont ainsi pu, par l’intermédiaire de leur syndicat, obtenir la suspension temporaire du test sur leur territoire. Les éditeurs des autres pays européens suivront avec grand intérêt les suites judiciaires françaises de ce dossier majeur, dans l’espoir que les décisions à venir affirmeront la souveraineté de l’Europe sur son environnement médiatique et informationnel
Les éditeurs de presse et journalistes européens appellent en outre Google à mettre volontairement fin à ce « test » partout en Europe. A l’heure où les manipulations de l’information et des opinions publiques progressent de façon exponentielle, une entreprise en situation de monopole telle que
Google doit assumer la responsabilité qu’elle a acquise de fait et garantir le droit des citoyens européens d’accéder à une information fiable, plurielle et indépendante.
Signataires:
- European Magazine Media Association (EMMA)
- European Newspaper Publishers’ Association (ENPA)
- Fédération européenne des journalistes (FEJ)
- News Media Europe (NME)
- Reporters sans frontières (RSF)