Torture et négligences médicales dans les prisons houthies : l’enfer de quatre journalistes condamnés à mort

Quatre journalistes yéménites emprisonnés par les Houthis depuis 2015 et condamnés à mort en 2020 attendent l’exécution de leur sentence. Détenus dans des conditions inhumaines à Sanaa, ils sont en danger de mort. Reporters sans frontières (RSF) dénonce des traitements cruels et exige leur libération immédiate pour une prise en charge médicale.

“Nous appelons à la libération des quatre journalistes et à la levée de toutes les charges qui pèsent contre eux, déclare la responsable du bureau Moyen-Orient de RSF, Sabrina Bennoui. Si les Houthis n’appliquent pas la peine de mort contre eux, tout est fait pour les tuer à petit feu avec les tortures, les abus psychologiques et le déni de prise en charge médicale. Nous tiendrons les Houthis pour responsables de leur sort.

Les appels répétés des familles n’y changent rien. Quatre journalistes yéménites condamnés à mort par les Houthis en avril 2020, accusés de faits d’espionnage pour le compte de l’Arabie saoudite, souffrent de problèmes de santé et sont victimes de négligences médicales. Malgré un recours déposé par leur avocat, la procédure n’a pas avancé. Tawfik Al-Mansouri, Abdulkhaleq Amran, Akram Al-Walidi et Hareth Humaid patientent toujours pour être fixés sur leur sort. En 2015, au moment de leur enlèvement à Sanaa, ils travaillaient pour des médias proches du parti Islah, branche yéménite des Frères musulmans et liée au gouvernement reconnu par la communauté internationale, opposé aux Houthis.

Concernant Tawfik Al-Mansouri, qui contribuait au quotidien Al-Masdar jusqu’à sa fermeture au début de l’intervention de la coalition arabe en 2015, “des informations confirmées rapportent que sa vie est en grand danger et qu'il a besoin d'être transféré dans un hôpital, ce que refusent les Houthis depuis des mois”, s’inquiète sa famille. Ses problèmes de santé remontent à au moins deux ans et RSF avait alerté sur son diabète, son insuffisance respiratoire et ses rhumatismes. En juin 2022, la Croix-Rouge est parvenue à lui rendre visite dans sa cellule. Elle avait transmis à sa famille une lettre écrite de sa main mais avait échoué à convaincre les Houthis de le prendre en charge médicalement. 

De son côté, Akram Al-Walidi, qui travaillait pour le site web Alrabie-ye.net et l’agence de presse officielle SABA, a réussi à communiquer au téléphone avec sa famille il y a quelques mois. “J’ai des douleurs atroces dans toutes les articulations”, a-t-il confié. Abdul Khaleq Amran, rédacteur en chef du site Al-Islah Online et responsable du média Yemen Revolution Press a été isolé de ses trois codétenus en 2021. Lui aussi avait réussi à faire parvenir une lettre, dans laquelle il relate ses souffrances en prison. Quant à Hareth Humaid, qui documentait les violations des Houthis pour le même média, il a été forcé sous la torture à confesser des actes qu’il n’a pas commis. 

En plus de leur état de santé qui se dégrade, les mauvais traitements entraînent de graves complications. Les méthodes sont aussi diverses que cruelles : privation de nourriture, exposition prolongée en plein soleil, privation de soins… Les Houthis les menacent régulièrement : “Vous vous retrouverez sur la place de la pendaison”, leur ont-ils lancé en septembre 2021. “Le surveillant de la prison Abu Shehab Al-Mortada a menacé les détenus de mettre fin à leurs jours tout doucement, et nous considérons que la négligence médicale est en effet l’exécution de ces menaces”, commente la famille de Tawfik Al-Mansouri. Le responsable de la prison et du Comité national pour les prisonniers, Abdulqader Mortada, avait pourtant annoncé avoir reçu “des directives pour traiter les prisonniers en invités”. 



En mai 2020, une centaine d’ONG, dont RSF, avaient lancé un appel pour sauver les quatre journalistes. En mars 2022, des négociations entre Houthis et gouvernement officiel, sous l’égide des Nations unies, ont abouti à un accord d'échange de prisonniers. RSF avait appelé à inclure les quatre confrères dans la liste mais ils restent toujours les otages des Houthis.

 

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