Tensions entre les partis au pouvoir et les professionnels des médias
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Reporters sans frontières s’inquiète du climat de tensions qui oppose les partis au pouvoir et les forces de l’ordre d’un côté, et les professionnels des médias de l’autre. L’interpellation du journaliste Hemn Karim pendant plus de vingt-quatre heures en est la parfaite illustration. La multiplication des procédures intentées pour diffamation contre les médias en est une autre.
Reporters sans frontières rappelle l’importance pour les journalistes d’effectuer un travail de qualité, en respectant éthique et déontologie de la profession, et en ne confondant pas information et diffamation.
Toutefois, on ne peut que s’interroger sur les conséquences de ces plaintes sur la liberté de la presse dans la région, notamment lorsqu’elles sont déposées hors du cadre légal. D’après le code de la presse en vigueur au Kurdistan, les plaignants ont 90 jours pour porter une affaire devant les tribunaux. Or il apparaît dans les cas présentés ci-dessous que cette limite temporelle de recevabilité n’est clairement pas respectée par les tribunaux.
Une arrestation arbitraire
Le rédacteur en chef du magazine hebdomadaire Fshar, Hemn Karim, a été arrêté le 18 septembre 2010 par les forces de l’ordre à Suleimanieh, alors qu’il sortait d’une conférence organisée au Palace Hotel. Ironie du sort : il venait de participer au lancement d’une campagne dénonçant l’ensemble des violences commises contre les journalistes et, de manière générale défendant la liberté d’opinion et d’expression dans la région autonome du Kurdistan irakien. Le journaliste a été libéré le 19 septembre vers 22 heures (heure locale), après avoir versé une caution de 250 000 dinars. La police a expliqué l’arrestation du rédacteur en chef en arguant du fait que le journaliste ne s’était pas présenté à la convocation qu’il avait reçue. Accusation démentie par Hemn Karim. A rappeler que le 22 août dernier, le KDP avait porté plainte pour diffamation contre le magazine Fshar, demandant 500 millions de dinars de dommages et intérêts.Des plaintes en cascades
Le 22 août toujours, le KDP avait porté plainte contre quatre différentes publications : Lvin Magazine, Awene, Hawlati et Rega. La plainte contre Awene faisait suite à la publication dans le numéro 214 du journal (9 mars 2010) d’un article intitulé « D’après les partis d’opposition, Erbil n’est pas une exception pour ce qui concerne la fraude électorale », et d’un éditorial écrit par Aziz Rauf « Président, vous compliquez les choses » dans lequel Massoud Barzani est remis en cause en tant que président du KRG. Le KDP a demandé le versement de 500 millions de dinars de dommages et intérêts. Le KDP a par ailleurs porté plainte pour diffamation contre trois journaux suite à la publication d’articles mettant en cause la responsabilité du KDP (voire de Massoud Barzani) dans l’assassinat de Sardasht Osman. Ainsi le KDP a demandé 500 millions de dinars de dommages et intérêts à Lvin Magazine, suite des numéros 126 et 127 du magazine (des 10 et 20 mai 2010). Hawlati est poursuivi suite à la publication d’articles dans son numéro 611 (pages 1 à 5 et page 16). Même chose pour Rega, suite à la publication, dans son numéro 16 de mai 2010 (pages 7 à 11) d’un rapport intitulé « le KDP, considéré comme le meurtrier de Sardasht ». Le KDP a demandé le versement d’un milliards de dinars de dommages et intérêts au magazine. Conséquence de ces plaintes, Shwan Muhammad et Kamal Rauf, rédacteurs en chef de Awene et de Hawlati, se sont présentés le 19 septembre au tribunal de première instance d’Erbil. La cour a refusé la demande des deux rédacteurs en chef de transférer le dossier à Suleimanieh. Ils ont décidé de faire appel de cette décision. Reporters sans frontières rappelle que le KDP avait porté plainte, le 25 juillet dernier, contre l’hebdomadaire Rojname, suite à la publication par ce dernier d’un rapport dénonçant l’implication du PUK et du KDP dans le trafic de pétrole à destination de la République islamique d’Iran. Le KDP avait alors demandé 1 milliard de dollars de dommages et intérêts, et avait exigé la fermeture du média. Le procès s’est ouvert le 8 août 2010 devant un tribunal d’Erbil. Les avocats de Rojname avaient demandé que le procès soit jugé à Suleimanieh. Le 23 août dernier, le tribunal devait rendre son choix quant au tribunal compétent pour juger cette affaire. Aucune décision n’a encore été prise à ce jour. Reporters sans frontières rappelle également que les journalistes n’ont pas l’autorisation de filmer dans l’enceinte du Parlement.Dénégations d’Ansar Al-Islam suite à la publication des conclusions de l’enquête sur l’assassinat de Sardasht Osman
Suite à la publication, le 15 septembre dernier, des premières conclusions de l’enquête menée par la Commission d’enquête mise en place par le président du KRG Massoud Barzani, le groupe Ansar Al-Islam a publié un communiqué démentant être à l’origine de l’enlèvement et de l’assassinat du journaliste Sardasht Osman en mai dernier. « Sardasht n’avait aucun lien avec nous. Nous ne sommes pas liés à son assassinat. Tout n’est que mensonge. » Ajoutant : « Il est de notre devoir de faire couler le sang des ennemis de Dieu, tels que les forces américaines et leurs agents du KDP et du PUK. Dieu nous sera reconnaissant de cela. Mais nous n’avons pas tué Sardasht. Lorsque nous tuons quelqu’un, nous revendiquons l’assassinat fièrement. » En signe de protestation suite à la publication des premiers résultats de la commission d’enquête, le frère de Sardasht Osman, Hajar, a démissionné de son poste de lieutenant en charge de contrôler les checkpoints dans la région d’Erbil.Publié le
Updated on
20.01.2016