Taxe exceptionnelle sur les réseaux sociaux en Ouganda: “une nouvelle barrière pour affaiblir la presse”
Reporters sans frontières (RSF) dénonce un nouvel obstacle à la production d’informations en ligne après l’adoption d’une taxe journalière sur les réseaux sociaux par le Parlement ougandais.
A partir du 1er juillet, les utilisateurs de WhatsApp, Facebook, Twitter et de Skype notamment, devront s’acquitter d’une taxe journalière de 0,05 dollars pour continuer à bénéficier de ces services. En adoptant cette mesure mercredi 30 mai, le Parlement ougandais a exaucé le souhait du président Yoweri Museveni d'introduire une taxe afin de lutter contre les “commérages” en ligne. Cette loi devrait aussi pénaliser les blogueurs et les journalistes pour qui les réseaux sociaux demeurent un espace de liberté plus important que les médias traditionnels.
“Dans un paysage médiatique plutôt fermé, les réseaux sociaux sont devenus des plateformes essentielles pour le débat et la critique du pouvoir, estime Rosebell Kagumire, l’une des blogueuses les plus influentes du pays, jointe par RSF. Cette taxe n’est rien d’autre qu’une mesure pour étouffer les voix dissidentes et freiner l’accès à internet dans le pays.” En 2017, le nombre d’internautes a progressé d’un million en Ouganda, portant à 13 millions le nombre utilisateurs, soit près d’un tiers de la population.
“Après les coupures internet et la création d’une unité de surveillance du web, l’adoption de cette taxe, inédite sur le continent africain, constitue une nouvelle barrière pour la production et la diffusion d’informations en ligne, dénonce Arnaud Froger, responsable du bureau Afrique de RSF. L’Ouganda a mis sur pied l’un des pires arsenaux de cyber-censure en Afrique subsaharienne.”
L’année dernière, RSF avait déjà dénoncé la mise en place par l’Ouganda d’une brigade composée de responsables sécuritaires et d’experts informatique chargée de surveiller étroitement l’activité des réseaux sociaux et d’identifier les auteurs des commentaires les plus critiques du pouvoir.
En 2016, les autorités avaient évoqué des risques sécuritaires et de manipulation de l’opinion pour justifier plusieurs coupures des réseaux sociaux lors de l’élection présidentielle, puis quelques semaines plus tard, lors de l’investiture du président Yoweri Museveni.
Dans la région, les régulations contraignantes sur l’utilisation d’internet se sont multipliées ces derniers mois. En Tanzanie, une nouvelle loi imposant des coûts exorbitants pour l’enregistrement obligatoire des blogs et des sites internet a été adoptée en mars dernier. Au Kenya, les protestations des associations de médias ont récemment conduit la haute Cour de justice à suspendre les principales dispositions d'une loi promulguée le 16 mai sanctionnant jusqu’à 10 ans de prison et 42 000 euros d’amende la diffamation en ligne.
L’Ouganda (117e) a perdu cinq places dans le Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2018.