Tanzanie : trois webtélés lourdement sanctionnées

Reporters sans frontières (RSF) demande aux autorités de mettre fin à l’escalade de la répression contre les médias et les journalistes après les sanctions visant trois chaînes de télévision en ligne.

Journalistes emprisonnés, médias sanctionnés, la politique de répression contre la liberté de l’information se poursuit en Tanzanie. Alors que le journaliste d’investigation Erick Kabendera croupit depuis plus de deux mois en détention préventive, l’organe de régulation des médias (TCRA) vient d’infliger vendredi 27 septembre de très lourdes sanctions contre trois webtélés. Kwanza TV a été suspendue six mois. Millard Ayo TV et Watetezi TV ont reçu une amende de 2000 euros.

Officiellement, les trois médias sont accusés de ne pas avoir publié leur politique éditoriale et leur charte -et de "publication trompeuse" pour Kwanza TV- conformément à la loi sur les contenus en ligne. Ce texte adopté en 2018 avait reçu l'opprobre général des défenseurs de la liberté de la presse dont RSF qui l’avait qualifié d’assassin pour la blogosphère et les médias en ligne. Il impose notamment des frais d’enregistrement exorbitants de 900 dollars par an en moyenne.

Les trois télévisions sont connues pour être des voix critiques du régime de John Magufuli, élu président en 2015 et attendu comme candidat à sa propre succession pour l’élection présidentielle de 2020. Kwanza TV, qui compte parmi les médias en ligne les plus influents,  avait notamment diffusé une interview exclusive de Tundu Lissu, un avocat et opposant du régime, victime d’une tentative d’assassinat en septembre 2017. Un documentaire lui avait été consacré par la chaîne au début du mois pour marquer le deuxième anniversaire de cet événement. En août dernier, Watetezi TV, qui appartient à la coalition des défenseurs tanzaniens des droits de l’homme, avait vu l’un de ses reporters Joseph Gandye se faire arrêter pendant deux jours après avoir révélé des violences policières.



“Le silence ou la répression. C’est un peu la seule alternative pour les médias et les journalistes qui exercent leur rôle critique en Tanzanie, dénonce Arnaud Froger, responsable du bureau Afrique de RSF. Aucun autre pays au monde n’a connu une telle dégradation de la liberté de la presse au cours des quatre dernières années. Nous appelons les autorités tanzaniennes au sursaut, en commençant par le lever les sanctions contre ces trois télévisions en ligne et en procédant à la libération sans délai et sans condition du journaliste Erick Kabendera qui n’a rien à faire prison.”

Une nouvelle audience doit se dérouler ce mardi 1er octobre dans le procès d’Erick Kabendera, déjà reporté à cinq reprises à la demande de l’accusation pour terminer l’enquête. Les charges retenues contre le journaliste d’investigation ont déjà changé trois fois depuis son arrestation le 29 juillet dernier. Le correspondant du Guardian en Tanzanie est poursuivi pour “crimes économiques”. Il est apparu claudiquant et très affaibli par sa détention lors de ses précédentes auditions. RSF continue à demander sa libération et son transfert dans une structure médicale appropriée.

La Tanzanie (118e sur 180 pays) a perdu 47 places au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF depuis 2016. Aucun autre pays au monde n'a connu une telle chute sur la même période.

Publié le
Updated on 30.09.2019