Tanzanie : RSF dénonce une loi assassine pour la blogosphère
La Tanzanie vient d'adopter une loi qui intensifie le contrôle des publications sur la toile, notamment par l’enregistrement obligatoire auprès de l’organe de régulation des médias moyennant une somme exorbitante. Reporters sans frontières (RSF) dénonce ce nouveau coup porté à la presse en ligne dans le pays.
Le ministère de l'Information a définitivement adopté le 13 mars 2018 une loi votée six mois auparavant par l’Assemblée qui donne à l’organe de régulation des communications en Tanzanie (TCRA) le contrôle des informations publiées sur le net. Les médias sociaux, radios et TV en ligne, blogueurs et plateformes digitales doivent désormais s’enregistrer auprès du TCRA en payant une accréditation à renouveler tous les trois ans, accompagnée d’une taxe annuelle et de frais de dossiers: au total, l’entretien d’un blog revient dorénavant à une moyenne de 900$ par an. “Où les blogueurs et plateformes en ligne vont-ils trouver l’argent pour payer de telles charges?”, s’est insurgé Neville Meena, secrétaire général de Tanzania Editors Forum qui voit en cette mesure une volonté du gouvernement de “restreindre l’accès à l’information en Tanzanie”.
Par ailleurs, tout contenu en ligne susceptible de “conduire au désordre public” ou “menacer la sécurité nationale” est sanctionné d’une peine d’au moins 12 mois de prison et 2 300$ d’amende. De leur côté, les plateformes sont sommées d’exclure tout auteur anonyme ou non-enregistré. “Cette loi va tuer les blogueurs en Tanzanie”, s’alarme Mike Mushi, l’un des fondateurs du blog Jamii Forums contacté par RSF, “aucune rentabilité n’est possible pour un journaliste web dans ces conditions”.
“Les autorités tanzaniennes voudraient faire disparaître la blogosphère du pays qu’elles ne s’y prendraient pas autrement, dénonce Arnaud Froger, responsable du bureau Afrique de RSF. La simple création d’une plateforme représente plusieurs mois de salaire pour un blogueur. Le gouvernement doit absolument revenir sur cette loi qui va anéantir l’information sur le web”.
Déjà en mars dernier, trois organisations tanzaniennes de défense des droits de l’homme ont dénoncé une loi de la presse de 2016 devant la Cour de Justice de l’Afrique de l’Est, estimant qu’elles violaient la liberté d’expression et les conventions internationales de la Communauté de l’Afrique de l’Est. L’un des forums d’information les plus importants de la zone, Jamii Forums, a déjà fait l’objet de harcèlement judiciaire ces derniers mois avec la mise en examen de son co-fondateur.
La Tanzanie occupe la 83e place sur 180 pays dans l’édition 2017 du Classement de la liberté de la presse établi par RSF.