Suspensions abusives de journaux au Congo Brazzaville

Alors que le président congolais Denis Sassou-Nguesso rencontre son homologue français mardi 7 juillet à Paris, deux publications du Congo Brazzaville viennent d'être suspendues sine die. Si le caractère outrancier des articles incriminés est bien réel, la suspension jusqu’à nouvel ordre apparaît comme une sanction dispoportionnée. Reporters sans frontières (RSF) s'inquiète de la suspension sine die depuis les 30 juin et 1er juillet des journaux, Polele-Polele et La Voix du peuple par le Conseil supérieur de la liberté de la communication (CSLC). Selon les décisions publiées par le CSLC, cette suspension fait suite à des articles publiés dans les deux médias. Dans La Voix du Peuple, un article intitulé "Christel Sassou Nguesso Alias Zaïrois" faisait allusion à la nationalité de la mère du fils du président de la République, originaire de République démocratique du Congo, un sujet sensible dans le pays. Polélé-Polélé avait quant à lui titré "Le ministre albinos se défend" dans un article faisant état de la réaction du ministre des Postes et des Télécommunications, Thierry Moungala après la mise en évidence d’abus de la part de membres de son cabinet. "Evidemment, les propos tenus dans ces journaux sont condamnables et enfreignent la déontologie journalistique. Néanmoins, la suspension indéfinie, à titre conservatoire, de ces deux journaux est une réaction disproportionnée, déclare Reporters sans frontières. Si certaines personnes se sentent lésées ou diffamées par ces articles, il existe des recours en justice, des droits de réponse. C'est une chose de condamner un article et ses auteurs mais suspendre toute une publication s'apparente à un acte de censure”. Joint par Reporters sans frontières, le président sortant du CSLC, Philippe Mwouo, dont le mandat a expiré le 25 juin, mais qui semble tacitement reconduit, explique que ces suspensions ont été prises en urgence, à titre conservatoire en attendant un examen sur le fond, sans préciser les dates de ce dernier. Il rappelle que le Congo "est une société fragile qui a besoin d'une presse forte et responsable qui accompagne la démocratie. Nous devons frapper sévèrement pour faire respecter cette noble profession", justifie-t-il. D'autres médias même de qualité ont fait les frais des sanctions du CSLC au cours des mois écoulés. Le journal Talassa avait fait l'objet d'un retrait de sa licence d'exploitation en 2014, après avoir publié un article sur l'accroissement spectaculaire du nombre d'habitants, et donc d'électeurs recensés dans les régions favorables au président Sassou Nguesso. En décembre de la même année, la station privée Radio forum des droits de l'homme avait dû cesser la diffusion de son programme « Expression directe des citoyens et des associations » qui donnait la parole aux Congolais pour s'exprimer sur les questions de bonne gouvernance ou de politique du pays. Certains avaient tenu des propos hostiles contre certains membres du gouvernement du président Sassou-Nguesso, et contre un projet éventuel de modification constitutionnelle. Le journal La Griffe lui a pu reprendre sa publication il y a quelques mois seulement après plus d'un an de suspension, le temps que son dossier en recours soit examiné par le CSLC. Au cours de l'année 2014, deux journalistes critiques du gouvernement, Sadio Kanté et Elie Smith, ont été expulsés du pays, officiellement pour des motifs administratifs, après avoir sévèrement critiqué le gouvernement. Le Congo occupe la 107ème place du classement 2015 de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières. Photo: DESIREY MINKOH / AFP
Publié le
Updated on 20.01.2016