Sur fond d'émeutes estudiantines, les conservateurs resserrent l'étau autour de la presse réformatrice

Alors que le mouvement estudiantin s'amplifie depuis deux semaines en revendiquant davantage de libertés, l'étau autour de la presse réformatrice se resserre avec l'arrestation de journalistes et des mesures de censure. Reporters sans frontières est inquiète du climat tendu qui domine aujourd'hui en Iran et craint de nouvelles arrestations de journalistes. " Nous réitérons notre demande à l'Union européenne, qui s'apprête à engager des discussions avec l'Iran sur les droits de l'homme, de faire pression sur Téhéran afin que la liberté d'expression soit respectée ", a déclaré Robert Ménard, secrétaire général de Reporters sans frontières. L'organisation réclame la libération immédiate de Behrouz Gheranpayeh, Hossein Ghazian et Abbas Abdi, ainsi que celle des neuf autres journalistes actuellement emprisonnés. Le 16 octobre 2002, Behrouz Gheranpayeh, directeur de la Société nationale des études de l'opinion publique (institut de sondages) et journalistes du quotidien Norooz (aujourd'hui fermé), a été arrêté et conduit à la prison d'Evine (Téhéran). Il a été accusé d' " espionnage " et de " collusion avec les Moudjahidin du peuple " (opposition armée en exil). Depuis son incarcération, son épouse n'a pu le voir qu'une seule fois, dans le bureau du juge. La date de son procès n'a pas encore été fixée. Le 31 octobre, Hossein Ghazian, l'un des directeurs de l'institut de sondages Ayandeh et journaliste du quotidien Norooz, a été arrêté et conduit à la même prison. Le 4 novembre, Abbas Abdi, autre directeur de Ayandeh, ancien rédacteur en chef du quotidien Salam (aujourd'hui fermé) et membre de la rédaction de nombreux journaux réformateurs, a été arrêté à son domicile. Le juge Said Mortazavi qui préside le tribunal 1410 dit " tribunal de la presse " a accusé Ayandeh d'avoir " reçu de l'argent d'un institut de sondages américain, Gallup, ou d'une ambassade étrangère ". Le procès de Hossein Ghazian et Abbas Abdi débutera le 1er décembre devant le tribunal de la presse. Leurs avocats ont déclaré ne pas avoir eu accès à leurs dossiers. Ces trois arrestations sont intervenues après qu'IRNA, l'agence de presse officielle iranienne, avait diffusé, le 22 septembre, un sondage (réalisé par la Société nationale des études de l'opinion publique et Ayandeh) qui indiquait que " 74,4 % des Iraniens étaient favorables à la reprise des relations avec Washington ". Le 24 novembre, plus d'une centaine de journalistes ont adressé une pétition à la justice pour demander la libération des " prisonniers politiques " dont Abbas Abdi, Behrouz Gheranpayeh et Hossein Ghazian. De leur côté, dès le 9 novembre, les étudiants ont commencé à protester contre la condamnation à mort de l'intellectuel Hachem Aghajari. Leur mouvement est devenu peu à peu plus politique, avec des slogans qui réclamaient plus de liberté et la libération des " prisonniers politiques ". Hachem Aghajari avait plaidé, en juin, pour un " protestantisme de l'islam ". Le 25 novembre, la justice iranienne a finalement annoncé qu'elle allait réviser le verdict. A deux reprises ces dernières semaines, le juge Mortazavi a convoqué des responsables de journaux pour leur ordonner de ne plus rien publier sur " l'affaire des sondages " ainsi que sur les manifestations des étudiants. Le 21 novembre, la justice de Ghazvin (nord du Paris) a suspendu pour trois mois l'hebdomadaire Nameh Ghazvin " pour avoir encouragé les jeunes à l'immoralité et à l'indécence ". Egalement reconnu coupable de " saper l'esprit révolutionnaire ", la publication a été condamnée à payer une amende de trois millions de rials (environ 1 940 euros). Le 22 novembre, trois journalistes ont été frappés par des extrémistes islamistes alors qu'ils couvraient un rassemblement de 5 000 personnes qui commémoraient l'anniversaire de l'assassinat de quatre opposants et intellectuels fin 1998. Plusieurs centaines d'extrémistes islamistes avaient attaqué la manifestation à coups de poing et de bâtons et ce, sans que la police n'intervienne. Les familles des personnes assassinées ont annoncé, à cette occasion, qu'elles allaient porter plainte devant la Commission des droits de l'homme des Nations unies pour qu'elle enquête sur ces meurtres.
Publié le
Updated on 20.01.2016