Statistiques inquiétantes pour la liberté de la presse : Reporters sans frontières s'étonne du silence des autorités

Reporters sans frontières espère que des pourparlers entre les représentants de la profession et les autorités permettront de freiner les violences et le harcèlement judiciaire envers la presse, en recrudescence depuis le début de l'année 2008. Une cinquantaine d'affaires ont été recensées par le Syndicat national des travailleurs de la presse (SNTP).

Reporters sans frontières a pris connaissance avec inquiétude des statistiques du Syndicat national des travailleurs de la presse (SNTP) concernant les intimidations, menaces de mort et abus judiciaires dont ont souffert les journalistes dominicains depuis le début de l'année 2008. Ces chiffres, détaillés dans l'édition du 5 octobre 2008 du quotidien national El Nuevo Diario confirment malheureusement une recrudescence des violences envers les médias que l'organisation a pu constater par elle-même. Au total, selon le SNTP, 32 journalistes ont été les cibles d'agressions et de menaces, quand 21 autres ont fait l'objet d'une procédure judiciaire. Plus de la moitié des cas concernent le territoire du District national et de la province de l'est de Saint-Domingue. “Le narcotrafic, la corruption ou les conflits d'intérêts entre les différentes activités d'une personnalité publique sont autant de promesses de représailles pour les professionnels des médias qui osent les dénoncer. La justice ne met pas autant de célérité à condamner les agresseurs d'un journaliste qu'à convoquer un éditorialiste ou un directeur de programme en délicatesse avec les autorités. Nous appelons donc le pouvoir politique et l'autorité judiciaire à tirer au plus vite les enseignements de cette situation, et à l'infléchir, en ouvrant des pourparlers avec le SNTP et le Collège dominicain des journalistes (CDP)”, a déclaré Reporters sans frontières. Le SNTP souligne ainsi que l'assassinat de Normando García, cameraman et producteur de la chaîne privée régionale Teleunión, le 7 août à Santiago de los Caballeros (lire le communiqué du 8 août 2008) reste en attente d'élucidation. Si son mobile reste à déterminer, ce drame a encore alourdi un bilan qui fait apparaître, d'une part une précarité persistante de la sécurité des journalistes, d'autre part un climat de tension toujours aussi vif entre la presse et les autorités. Parmi les journalistes en butte à des procédures judiciaires, Alicia Ortega, productrice de la chaine privée nationale SIN Canal 7, avait dénoncé une affaire d'escroquerie mettant en cause l'entreprise WM Comercializadora Interamericana. La justice a finalement déclaré irrecevable, le 26 septembre 2008, la plainte pour “injure”, “diffamation” et “atteinte à l'honneur” engagée par cette dernière contre la journaliste, dont les bureaux ont été la cible d'un attentat. Néanmoins, la mobilisation de la presse en faveur de la consœur a favorisé ce dénouement. Journalistes et citoyens ont eu à pétitionner face à l'inertie judiciaire qui a suivi l'agression du journaliste et écrivain indépendant Vianco Martínez, le 23 août dernier, par deux gardes du corps de Saymon Díaz, un industriel du spectacle. Les représentants de la profession ont également dû intervenir face à la multiplication des poursuites engagées par le ministre du Tourisme - et entrepreneur du même secteur - Félix Jiménez, entre autres contre Manuel Quiterio Cedeño, éditorialiste du quotidien national El Caribe. Ces poursuites judiciaires ont souvent été précédées de menaces de mort ou d'agressions, comme dans le cas de Manuel Antonio Vega, correspondant du quotidien Listín Diario et producteur d'émissions de télévision et de radio à Hato Mayor (Est), dont un député et l'épouse d'un magistrat veulent aujourd'hui obtenir la comparution. Au chapitre des menaces les plus graves, Reporters sans frontières demeure vigilante concernant le sort de Carlos Corporán, directeur du programme “El Sensor de la Tarde”, de la station Sur 91.9 et correspondant du quotidien El Nuevo Diario à San Cristobal (Sud). Le 30 septembre dernier, le haut-commissaire aux droits de l'homme Domingo Porfirio Rojas Nina avait dénoncé l'existence d'un plan d'attentat contre le journaliste, après des révélations sur une affaire de narcotrafic susceptible de mettre en cause la magistrature locale. Carlos Corporán bénéficie actuellement d'une protection policière, mais l'enquête sur l'origine des menaces n'a guère progressé.
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Updated on 20.01.2016