Sommet Afrique-France : la liberté de l’information ne doit pas être sacrifiée sur l’autel de la lutte anti-terroriste

Au moment où s'ouvre à Bamako le 27e sommet Afrique-France sur la sécurité et le développement, Reporters sans frontières (RSF) appelle les chefs d'Etat à ne pas piétiner la liberté d’information au profit de la lutte anti-terroriste.

Depuis plusieurs années déjà, RSF constate qu’un nombre grandissant d’Etats africains utilisent le prétexte de la lutte contre le terrorisme et l’insécurité pour porter atteinte aux libertés civiles de leurs populations, notamment la liberté d’information. Etats d'urgence assortis de mesures disproportionnées, lois anti-terroristes appliquées aux journalistes, arrestations et condamnations pour "sédition" ou "atteinte à la sécurité"... Les moyens pour faire taire une presse jugée trop critique sont nombreux.


"RSF appelle tous les chefs d'Etat présents au sommet à garantir le respect des droits de l'Homme, alors même que des mesures sont prises pour lutter contre le terrorisme et garantir la sécurité, déclare Cléa Kahn-Sriber, responsable du bureau Afrique de RSF. En temps de crise, la responsabilité des journalistes dans le traitement des informations sensibles est plus importante que jamais. Une presse libre et critique est un bon baromètre des avancées démocratiques d’un pays. Elle permet d'informer les populations locales, premières concernées par la situation sécuritaire.”


Cette semaine encore, Reporters sans frontières a appris l'arrestation au Congo Brazzaville (115ème/180 pays au Classement RSF) du directeur du journal Talassa, Ghys Fortuné Bemba Dombé, pour “complicité d’atteinte à la sûreté intérieure de l’Etat”. Son arrestation fait suite à la parution deux jours avant d'un article au vitriol, mettant en avant l’implication de hauts cadres de l'appareil sécuritaire dans la disparition et la torture de civils depuis le référendum contesté d'octobre 2015 et la présidentielle de mars 2016. Il est actuellement détenu par les services de renseignement, et sans accès à un avocat.


En Ethiopie (142ème), la déclaration de l'Etat d'urgence en octobre 2016 s'est traduite par l'interdiction pour la population de regarder certains chaînes de télévision jugées subversives et par des arrestations massives, y compris de journalistes jugés critiques du pouvoir. Le harcèlement des forces de sécurité a poussé l'un des plus anciens journaux d'Addis Abeba, le Addis Standard à fermer ses portes et licencier toute son équipe, faute d'imprimeur. La loi anti-terroriste de 2009 est par ailleurs systématiquement utilisée dans les procès impliquant des journalistes.


Au Cameroun (126ème), le correspondant de RFI, Ahmed Abba, a été arrêté en juillet 2015 pour "non-révélation d’actes de terrorisme" et a passé plus d'un mois détenu au secret avant d'être présenté à un juge. Pendant cette détention, il a subi de mauvais traitements, s'apparentant à de la torture. Il est aujourd'hui en prison, attendant un verdict dans un procès à rallonge qui manque à toutes les obligations nécessaires à un jugement équitable.


En RDC (152ème), tout comme en Tanzanie (71ème) ou en Ouganda (102ème), les journalistes ont été explicitement empêchés de couvrir les manifestations en amont des élections. Nombre d'entre eux ont été arrêtés ou menacés et plusieurs médias considérés d'opposition fermés.


Pourtant, tous ces pays ont ratifié des textes garantissant les droits humains et leur respect, que ce soit le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, la Charte de l'Union africaine ou la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples.


De tels agissements sont par ailleurs contraires à la stratégie anti-terroriste mondiale des Nations unies de 2006, aux résolutions des Nations unies sur le sujet et aux Principes et directives sur les droits de l’homme et des peuples dans la lutte contre le terrorisme en Afrique adoptés en 2015 par la Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples.






Publié le
Mise à jour le 13.01.2017