Un cadre judiciaire liberticide, un traitement médiatique nettement déséquilibré, une censure quasiment systématique des voix discordantes et des violences récurrentes contre les journalistes indociles ont marqué le scrutin législatif du 31 mars 2005. Reporters sans frontières estime que les élections ont été « très clairement injustes » du point de vue de la liberté de la presse.
Reporters sans frontières estime que les élections législatives du 31 mars 2005 au Zimbabwe ont été « très clairement injustes » du point de vue de la liberté de la presse. Un cadre judiciaire liberticide, un traitement médiatique nettement déséquilibré, une censure quasiment systématique des voix discordantes et des violences récurrentes contre les journalistes indociles ont marqué ce scrutin.
« Nous avons établi au moins sept raisons d'après lesquelles nous pouvons dire qu'en 2005, comme lors des années précédentes, la liberté de la presse n'existe pas au Zimbabwe, a déclaré Reporters sans frontières. Non seulement le pays possède l'une des lois sur la presse les plus draconiennes et autoritaires d'Afrique, mais les médias d'Etat, qui sont supposés respecter les critères démocratiques de la Southern Africa Development Community (SADC), ont clairement fait le choix d'une information partisane et de mauvaise foi. Les abus de pouvoir et la répression contre les voix discordantes sont la règle au pays de Robert Mugabe, où, le jour même d'un scrutin placé sous haute surveillance, la police traquait les journalistes dont le travail dérange le pouvoir. L'appareil répressif du pays est contraire à tous les standards démocratiques et le climat régnant pour la presse indépendante est l'un des pires d'Afrique. De ce point de vue, les élections législatives du 31 mars 2005 ont été très clairement injustes », a conclu Reporters sans frontières.
1. Depuis 2002, le Zimbabwe possède un code de la presse extrêmement répressif, bafouant ouvertement les principes de la liberté de la presse. La loi sur l'accès à l'information et la protection de la vie privée (AIPPA), adoptée en 2002, institue notamment une Commission des médias et de l'information (MIC), organe de régulation étroitement contrôlé par le gouvernement et doté du pouvoir de vie et de mort sur la presse indépendante. Cette commission interdit la présence permanente de journalistes étrangers dans le pays. Un amendement voté fin 2004 prévoit des peines de prison pour les journalistes travaillant sans avoir été accrédités par la MIC.
2. La campagne électorale officielle dans les médias publics a été marquée par un net déséquilibre en faveur du Zanu-PF, le parti du Président. Le Media Monitoring Project Zimbabwe (MMPZ), un observatoire indépendant basé à Harare, a régulièrement souligné le ton ouvertement partisan des médias d'Etat, audiovisuels et imprimés, dans la couverture des activités du principal parti d'opposition, le Movement for Democratic Change (MDC), ainsi que la priorité systématique donnée aux activités du parti au pouvoir.
3. Le gouvernement zimbabwéen a procédé à une sélection des médias autorisés à couvrir les élections législatives, refusant arbitrairement l'accès de son territoire à un certain nombre de grands médias internationaux « coupables » d'avoir été critiques à son égard. Les journalistes des radios privées sud-africaines Talk Radio 702 et 567 Cape Talk, de l'Australian Broadcasting Corporation (ABC), de la British Broadcasting Corporation (BBC) et de plusieurs journaux britanniques se sont vu refuser une accréditation.
4. A partir du 7 mars, la diffusion de la station de radio privée SW Radio Africa, basée à Londres et employant des journalistes en exil, a été brouillée sur tout le territoire du Zimbabwe depuis une base militaire, grâce à de la technologie chinoise.
5. Le jour du scrutin, Toby John Harden et Julian Paul Simmonds, deux journalistes du quotidien britannique Sunday Telegraph, ont été arrêtés près d'un bureau de vote, à 40 kilomètres de la capitale, Harare. Ils ont été accusés d'avoir travaillé sans accréditation, puis d'être en possession de visas de touristes expirés. Le même jour, Fredrik Sperling, journaliste de la télévision publique suédoise Sveriges Television (SVT), a été arrêté et expulsé, après avoir filmé une exploitation agricole dont les propriétaires ont été chassés au profit d'un parent du président Robert Mugabe.
6. Cinq semaines avant le scrutin, plusieurs journalistes zimbabwéens avaient été les cibles de graves procédés d'intimidation les contraignant à l'exil. Cornelius Nduna, Jan Raath, Tsvangirai Mkwazhi et Angus Shaw, tous quatre correspondants de divers médias étrangers, ont préféré quitter le pays sous la menace d'une arrestation imminente pour divers motifs, allant des allégations d'espionnage à l'absence d'accréditation, en passant par la possession d'informations sensibles.
7. Le 25 février, la MIC a ordonné une nouvelle fois la fermeture d'un hebdomadaire indépendant, après seulement deux mois d'existence. Le Weekly Times était un hebdomadaire privé axé sur les questions de développement, basé à Bulawayo, la deuxième ville du pays. Dans son premier numéro, il avait publié une interview de Pius Ncube, évêque de Bulawayo, qui critiquait l'absence de repentir du président Robert Mugabe pour le massacres de 20 000 civils innocents à Gukurahundi, dans les années 1980. Le Weekly Times est la quatrième publication privée indépendante fermée pour des raisons politiques en moins de deux ans au Zimbabwe, après le Daily News, le Daily News On Sunday et The Tribune. Par ailleurs, malgré un arrêt de la Cour suprême, le 14 mars, autorisant la reparution du Daily News, la MIC ne s'est toujours pas prononcée sur sa demande d'enregistrement, condition sine qua non pour que l'ancien quotidien le plus lu du Zimbabwe puisse reprendre ses activités.