Sept ans de prison pour une journaliste ukrainienne de Crimée
Harcelée par les services de sécurité russes depuis 2016 et accusée de fabrication d’explosifs en 2022, la journaliste Iryna Danilovytch vient d’être condamnée à sept ans de prison par le tribunal municipal de Feodossia. Reporters sans frontières (RSF) dénonce une parodie de justice et demande sa libération immédiate.
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À l'issue d'un procès de quatre mois, ouvert le 22 août 2022 et suspendu plusieurs fois, le tribunal russe de la ville de Feodossia, une ville de sud-est de la Crimée, a condamné la journaliste Iryna Danilovytch, infirmière de profession, à une peine de sept ans de prison assortie d'une amende de 50 000 roubles (environ 650 euros). Condamnation qui correspond à la peine requise par le procureur la veille.
“Ce procès pour fabrication d’explosifs n’est pas sans rappeler ceux de Vladyslav Yesypenko et d’autres journalistes de Crimée, condamnés pour des motifs similaires, déplore la responsable du bureau Europe de l'Est-Asie centrale de RSF, Jeanne Cavelier. Nous dénonçons cette parodie de justice au service du pouvoir russe dans son entreprise de répression politique qui frappe la péninsule depuis son occupation en 2014. Iryna Danilovytch est l’une des neuf journalistes de Crimée qui se trouvent derrière les barreaux russes. Nous exigeons leur libération immédiate.”
Iryna Danilovytch était victime du harcèlement des pouvoirs russes depuis 2016, notamment en lien avec sa couverture de scandales sanitaires, et tout particulièrement pendant la crise de la Covid-19, sur les réseaux sociaux, mais aussi pour plusieurs médias dont Krym.Realii (antenne locale du média américain Radio Free Europe/Radio Liberty). Elle a été enlevée par les services de sécurité russes, le FSB, le 29 avril 2022 à un arrêt de bus à la sortie de la commune de Koktebel, près de Feodossia. La journaliste a ensuite été illégalement détenue au secret pendant huit jours dans les sous-sols du siège du FSB à Simferopol, le centre administratif de la Crimée, sans que ses proches ne soient tenus au courant de son sort. Selon l’avocat de la journaliste, pendant cette détention, Iryna Danilovytch a subi d’importantes pressions psychologiques et contraintes physiques, avant d’être déférée devant la justice sur la base des accusations montées de toutes pièces.
Inculpée pour “fabrication d’explosifs”, la journaliste n’a cessé de clamer son innocence et de dénoncer les violences physiques dont elle a été victime lors de son enlèvement et le manque d’assistance médicale. Faute de soins, son état de santé est devenu si préoccupant que le procès a dû être brièvement suspendu, quelques jours avant l’annonce du verdict, suite à un malaise de la journaliste dans la salle d’audience.
L'annexion de la péninsule de Crimée par la Russie, a considérablement dégradé et entravé le travail des journalistes locaux, victimes de pressions de la part des pouvoirs d’occupation. Ces répressions sont montées d’un cran depuis l’invasion de l’Ukraine le 24 février 2022.
Dans sa déclaration finale avant l’annonce du verdict, Iryna Danilovytch a rappelé le sort d’autres victimes de disparition forcée, avant de conclure : “Le régime totalitaire n’a pas besoin de ceux qui disent la vérité ouvertement. Les prisons en sont maintenant pleines.”
En septembre, RSF a déposé plainte auprès de la Cour pénale internationale (CPI) et du bureau du procureur général d’Ukraine pour disparition forcée, détention arbitraire et déni du droit d'Iryna Danilovytch à avoir un procès équitable.