Sécurité des journalistes : RSF demande aux Etats de l’UE de mettre en œuvre les recommandations européennes

Alors que les journalistes font face à des menaces croissantes au sein de l’Union européenne (UE), la Commission européenne vient d’adopter des recommandations sur la sécurité des journalistes, conformes aux préconisations de Reporters sans frontières (RSF), qui appelle les Etats membres à appliquer ces mesures.

La Commission européenne a adopté, ce mercredi 15 septembre, les premières recommandations de l’UE pour la sécurité des journalistes. Ce texte est un pas dans la bonne direction face à la multiplication des attaques contre les journalistes et les médias au sein de l’Union. RSF se félicite également que ces recommandations reflètent largement sa contribution à la consultation publique préparatoire menée par la Commission.


La Commission aurait cependant pu aller plus loin en impliquant davantage les autorités européennes dans la prévention et la résolution des crimes commis contre les journalistes, notamment par des enquêtes publiques du Parlement européen lorsqu'il semble que les autorités nationales n'ont pas pris les mesures appropriées afin de prévenir un crime, ou encore en renforçant le mandat du procureur européen.


Ces recommandations ne permettront d’améliorer concrètement la situation des journalistes que si elles sont mises en œuvre par les Etats membres.


“Tout doit être mis en oeuvre pour que ces recommandations deviennent réalité, déclare la représentante de RSF auprès de l’UE, Julie Majerczak. RSF appelle  les chefs d’Etat et de gouvernement de l’UE  à faire preuve de responsabilité et la Commission européenne à montrer sa détermination pour que ces recommandations ne restent pas lettre morte. C’est essentiel pour que l’Union européenne demeure la région du monde où les journalistes peuvent continuer à faire leur métier en sécurité, et où la liberté de la presse est la mieux assurée.”


Les journalistes doivent aujourd’hui faire face à des menaces croissantes au sein de l’UE. Les faits les plus marquants  ont été l’assassinat de Daphne Caruana Galizia, en octobre 2017 à Malte, puis, cinq mois plus tard, de Ján Kuciak et sa fiancée, Martina Kušnírová, en Slovaquie. Ces deux journalistes d’investigation ont été délibérément ciblés pour leur travail de dénonciation de la corruption. Tout récemment, deux autres journalistes ont également été tués : Giorgos Karaivaz en Grèce et Peter R. de Vries aux Pays-Bas. Dans les 10 années qui ont précédé le meurtre de Daphné Caruana Galizia, RSF n'avait recensé que quatre cas de meurtres de journalistes dans l'UE.


L’impunité dont bénéficient souvent commanditaires comme exécutants revient à donner une carte blanche à ceux qui veulent faire taire les voix critiques et crée un climat de peur parmi les journalistes. En Slovaquie, l’homme d’affaires accusé d’avoir commandité le meurtre de Kuciak a été acquitté, tandis qu’à Malte, les procédures judiciaires de l’affaire Galizia se révèlent à la fois lentes et insuffisantes.


Ces assassinats ne sont que la partie émergée de l'iceberg. Les journalistes sont en effet soumis à de multiples formes d'intimidation et de pression : violences verbales et physiques, harcèlement en ligne, harcèlement judiciaire, interpellations, détentions arbitraires, surveillance illégale, violences sexistes et sexuelles...


En outre, la couverture des manifestations est devenue problématique pour de nombreux reporters. C’est le cas en France, en Grèce, en Pologne ou en Espagne. Récemment, des reporters ont été agressés par des manifestants alors qu’ils couvraient les mouvements anti-pass sanitaire. Mais ils sont aussi victimes de violences policières : en France, lors de manifestations des “gilets jaunes", en 2019, ou contre le projet de loi sur la "sécurité globale", en 2020, plusieurs journalistes ont été blessés par les forces de l’ordre, et d'autres ont été détenus arbitrairement et vu leur matériel saisi.  En Grèce, les autorités ont arrêté des journalistes de manière souvent violente pour les empêcher d’avoir des contacts avec les migrants.


Enfin, l'incapacité ou la réticence des Etats à protéger les journalistes menacés contribue à accroître l’insécurité. En Bulgarie, après la publication d’une enquête sur la corruption, le journaliste Nikolay Staykov n’a obtenu une protection policière qu'après un appel public de RSF.


La Bulgarie, la Hongrie, Malte, la Grèce et la Pologne sont les cinq plus mauvais pays de l’UE dans l’édition 2021 du Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF. Ils figurent respectivement à la 112e, 92e, 81e, 70e et 64e place du Classement. 

Publié le
Updated on 16.09.2021