Série de sanctions contre la presse égyptienne et étrangère qui fait état de fraudes électorales
Alors que le président égyptien Abdel Fattah al Sissi vient d'être réélu avec plus de 97% des suffrages exprimés, les autorités ne tolèrent aucune couverture critique de l'élection, que ce soit par les médias locaux ou étrangers. Reporters sans frontières (RSF) les appelle à cesser cette répression.
Plusieurs médias - égyptiens et internationaux - ont voulu couvrir les fraudes électorales, parmi lesquelles les achats de voix lors du scrutin, qui s’est tenu à la fin du mois dernier, et à l’issue duquel le président égyptien a été réélu avec près de 97% des voix. En réponse à ces accusations de fraudes électorales, les autorités ont contre-attaqué. Par l’intermédiaire de l’Autorité électorale nationale ou du Haut conseil des médias, elles ont affirmé que les incitations matérielles au vote étaient légitimes et dénoncé un manque de professionnalisme des médias. Ces derniers ont été accusés de diffuser des informations mensongères, et ont fait l’objet de poursuites, d’amendes, et même, hier, d’une arrestation.
“Les autorités semblent vivre dans une réalité alternative, où rien en Egypte ne mérite d’être critiqué, un monde de fiction idyllique dont les journalistes seraient les ennemis, déclare Reporters sans frontières. RSF appelle les autorités égyptiennes à laisser les journalistes faire leur travail. La répression des journalistes nuit bien davantage à l’image de l’Egypte que n’importe quel article critique.”
La première cible des autorités reste les publications égyptiennes. Adel Sabry, rédacteur en chef du journal en ligne Masr al Arabiya, est en détention depuis le 3 avril. Les forces de sécurité ont fermé le même jour les locaux de son média, estimant que son journal opérait de manière illégale, en l’absence d’une soi-disant licence délivrée par l’Autorité générale de l’Information (SIS). Selon l’avocat d’Adel Sabry, aucune licence de cette ordre n’existe. Adel Sabry est en effet aujourd’hui en détention provisoire pour d’autres motifs : il est accusé d’avoir promu des modifications de la Constitution par l’écriture et le dessin, incité à manifester, et diffusé de fausses informations. Masr al Arabiya a déjà écopé le 1er avril, d’une amende de 50 000 livres, soit plus de 2300 euros, pour avoir mis en ligne un article reprenant des informations du New York Times sur les fraudes électorales.
Mohamed el Sayed Salah, le rédacteur en chef du quotidien égyptien Al Masry Al Youm a été, lui, limogé le 4 avril, par sa direction. Le quotidien avait dû changer un titre dans une de ses éditions papier du 29 mars, et avait été frappé d’une amende de 150 000 livres, soit plus de 7 000 euros.
Plaintes contre des médias étrangers
Les autorités s'en sont également pris aux médias internationaux. L’agence Reuters a été forcée de retirer un article à la suite d’une plainte de l’Autorité électorale nationale (EAN) auprès du Haut Conseil des médias. Ce n’est pas la première fois que l’agence fait l’objet d’une plainte : une enquête avait été ouverte en 2016 au sujet d’un article sur le meurtre suspect de Giulio Regeni, un doctorant italien.
Le New York Times, qui fait l’objet de poursuites similaires, a choisi de laisser son article en ligne. Le quotidien fait entre autres mention d’électeurs payés entre trois et neuf dollars s’ils vont voter.
L’Egypte occupe la 161e place sur 180 pays dans le Classement 2017 sur la liberté de la presse dans le monde établi par Reporters sans frontières : la plupart des médias indépendants ont été étouffés, soit par le blocage des journaux en ligne, soit par leur mise sous tutelle. Le site de RSF est inaccessible en Egypte depuis août 2017.