Rwanda : RSF demande une enquête indépendante sur la mort d’un journaliste critique du pouvoir

Alors qu’il se sentait en danger, le journaliste connu pour ses positions critiques envers le gouvernement Kagamé John Williams Ntwali a trouvé la mort dans des circonstances suspectes selon ses proches et ses confrères. Reporters sans frontières (RSF) demande aux autorités d’ouvrir une enquête indépendante afin de faire toute la lumière sur celles-ci.

Le journaliste rwandais John Williams Ntwali, rédacteur en chef de The Chronicles connu pour ses enquêtes fouillées et ses prises de positions critiques sur la gouvernance du pays et la répression des voix dissidentes, est décédé dans un accident de moto non loin de la capitale Kigali. Selon la police, il est mort sur le coup après qu’un véhicule a percuté la moto à bord de laquelle il se trouvait dans la nuit du 18 janvier 2023, et le conducteur du véhicule a été arrêté.

Les jours précédant sa mort, John Williams Ntwali considérait que sa vie était en danger et voulait s’exiler, confient des proches du journaliste à RSF. “Je suis suivi partout où je me rends”, leur avait-il dit.   

Déjà en 2012, John Williams Ntwali avait été victime d’un accident similaire auquel il avait survécu, déclarent plusieurs de ses confrères à RSF. Ils rappellent que son travail – notamment sur des sujets en lien avec les droits humains, tels les arrestations arbitraires d’opposants et les assassinats de voix critiques lui avaient valu nombre d’attaques. Celles-ci allant des détentions sous des prétextes fallacieux à des attaques informatiques visant le site d’information qu’il avait créé, Ireme News.

“Dans un pays où surveillance, espionnage, arrestations arbitraires et disparitions forcées font partie des fréquents coups montés contre les journalistes critiques du pouvoir, il est nécessaire d’élucider les circonstances de la mort de ce journaliste régulièrement persécuté en raison de son travail. Nous réclamons aux autorités rwandaises l'ouverture d'une enquête indépendante et transparente sur la mort de John Williams Ntwali.

Sadibou Marong
Directeur du bureau Afrique subsaharienne de RSF

Sa mort survient juste quelques jours après qu’il a révélé sur sa chaîne Youtube Pax TV, la disparition de deux jeunes enseignants de la ville de Gakenke, au nord du pays. Ces enseignants avaient été arrêtés en mars 2022 par les services de renseignements (National intelligence and security services ou NISS) car soupçonnés d’avoir diffusé une vidéo jugée “compromettante pour l’unité nationale”. Depuis leur arrestation, ils sont introuvables et leurs proches n'ont aucune information sur leur détention et ne savent pas s’ils sont toujours en vie.  

En juin 2022, alors que le Rwanda accueillait la réunion des chefs de gouvernement du Commonwealth (CHOGM), John Williams Ntwali avait déclaré à Human Rights Watch avoir reçu des menaces des services de renseignements. “La NISS m'a dit : ‘Si vous ne changez pas de ton, après la CHOGM, vous verrez ce qui vous arrivera,’”, a-t-il rapporté à l’organisation. 

La liberté de la presse et l’exercice d’un journalisme indépendant sont à rude épreuve depuis l’avènement du président Paul Kagamé au Rwanda. Les journalistes paient un lourd tribut à la répression des voix critiques, et plusieurs d’entre eux ont été contraints à l’exil. Certains d’entre eux faisaient partie des cibles des autorités dans l’affaire Pegasus ce logiciel de surveillance utilisé pour une surveillance massive de journalistes.

Le Rwanda occupe la 136e place sur 180 au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2022.

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