Russie : RSF s’insurge contre la violente agression d’une journaliste de Novaïa Gazeta en Tchétchénie

La lauréate du prix RSF du courage Elena Milachina a été rouée de coups et menacée par des inconnus à son arrivée en Tchétchénie pour couvrir un procès ce 4 juillet 2023. Horrifiée par cette nouvelle agression de la journaliste de Novaïa Gazeta, Reporters sans frontières (RSF) rappelle que ces actes d’intimidation barbares n’empêcheront pas les professionnels de l’information de continuer leur travail.

 

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Sur une photo choquante, Elena Milachina apparaît le crâne rasé, les doigts bandés, recouverte d’un antiseptique vert. La journaliste du média russe Novaïa Gazeta souffre d’un traumatisme crânien, de doigts cassés et d’ecchymoses sur le corps après une agression d’une rare violence en Tchétchénie. Dans l’incapacité de se rendre au procès qu’elle comptait couvrir, la lauréate du prix RSF 2020 du courage a été transférée à l’hôpital de Beslan, dans la république voisine d’Ossétie du Nord, avec l’avocat qui l’accompagnait, Aleksandr Nemov. Celui-ci a reçu un coup de couteau

“Vous avez été prévenus. Partez d'ici et n'écrivez rien !”, leur a lancé l’un des agresseurs tout en les menaçant d’une arme à feu, selon le Centre Memorial. La voiture d’Elena Milachina et d’Aleksandr Nemov a été interceptée par des hommes encagoulés peu après leur arrivée à l’aéroport de la capitale tchétchène, tôt ce matin du 4 juillet 2023. Ces assaillants les ont roués de coups de pied et de matraque, ont pris leurs téléphones et détruit leurs documents et matériel. Ils les ont invectivé en leur citant les procès et affaires suivis par la journaliste et l’avocat, a déclaré sur sa chaîne Telegram Sergueï Babinets, directeur de l’Équipe (anciennement Comité) contre la torture, qui les a rejoint.

“RSF condamne cette terrible attaque contre Elena Milachina. Les actes d’intimidation barbares auxquels se prêtent les sbires du chef de la République tchétchène Ramzan Kadyrov n'empêcheront pas les journalistes de continuer à couvrir ce qu’il s'y passe. Novaïa Gazeta, média martyr co-fondé par le prix Nobel de la paix Dmitri Mouratov et dont les licences ont été suspendues en Russie, a déjà vu cinq de ses plumes assassinées depuis l’arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine. RSF salue l'incroyable courage d’Elena Milachina et de ses confrères. Malgré le danger, les journalistes continuent sans relâche à informer et la mort de l’un d’eux ne tue pas ses enquêtes.

Jeanne Cavelier
Responsable du bureau Europe de l'Est et Asie Centrale

En janvier 2022, Ramzan Kadyrov avait violemment menacé Elena Milachina peu après l’enlèvement de Zarema Moussaïeva, dont elle couvre maintenant le procès. Condamnée ce 4 juillet à cinq ans et demi de prison, cette épouse d’un ancien juge fédéral et mère des fondateurs présumés du site d’information 1ADAT avait été “arrêtée” à son domicile de Nijni Novgorod, dans la partie centrale de la Russie européenne, par les forces de sécurité tchétchènes.

Du côté du pouvoir russe, le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov a déclaré qu’il s’agissait “d'une attaque très grave qui nécessite des mesures vigoureuses”. Le président du Conseil présidentiel pour les droits humains Valeri Fadeïev a lui affirmé qu’il enverrait une requête au bureau du procureur général et au comité d'enquête. Jusqu’à présent, aucune enquête menée par la justice russe sur les meurtres des journalistes de Novaïa Gazeta, dont celui d’Anna Politkovskaïa, n’a abouti à l’arrestation des commanditaires.

L’agression d’Elena Milachina survient au lendemain de l’anniversaire de la mort de son collègue Iouri Chtchekotchikhine, le 3 juillet 2003. Il y a vingt ans, ce journaliste d’investigation, rédacteur en chef adjoint de Novaïa Gazeta, décédait à l’hôpital, dix jours après avoir été admis dans le coma. Mort d’empoisonnement selon la rédaction, l’enquête officielle a conclu à une allergie. Menacé à plusieurs reprises, il travaillait sur des affaires de corruption et sur le dossier tchétchène.

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