Russie : RSF dénonce un ralentissement de YouTube provoqué par les autorités qui met en péril le droit à l’information

Les autorités russes intensifient leur contrôle sur YouTube en ralentissant drastiquement le débit des vidéos, empêchant leur visionnage. Les utilisateurs alertent sur un accès déjà limité. Reporters sans frontières (RSF) dénonce une manœuvre de censure du Kremlin qui met en péril le droit à l'information.

Images bloquées, cadres flous… Le 8 août, dans les régions ukrainiennes occupées par la Russie de DonetskLouhansk et en Crimée, le débit des vidéos sur YouTube a été tellement réduit que leur visionnage est devenu impossible. Même problème signalé par des utilisateurs des villes russes de Moscou et de Saint-Pétersbourg, qui n’arrivent plus à accéder à la plateforme. 

Le blocage progressif de YouTube a commencé en Russie. Les autorités russes ont décidé de réduire le débit des vidéos YouTube à 128 kilobits par seconde, bien en deçà du niveau nécessaire à une lecture optimale. Ce ralentissement, annoncé aux opérateurs télécoms du pays, s’effectue grâce à des “dispositifs techniques pour lutter contre les menaces” (TSPU), véritables “boîtes noires” installées progressivement chez les opérateurs télécoms du pays à partir de 2020 et contrôlées par le Roskomnadzor, le régulateur russe des télécommunications. Ce “système TSPU” permet non seulement de ralentir le trafic, mais aussi de bloquer des sites jugés indésirables, d'intercepter les données de sites non cryptés et de bloquer les protocoles de connexion VPN. Les opérateurs russes sont tenus de ne pas retirer ces boîtiers, sous peine de perdre leur licence. 

Le Kremlin est en passe de réussir son projet sordide : enfermer les citoyens russes dans une prison informationnelle où seule la propagande pourra circuler librement. Malgré ses défauts, YouTube reste l'un des derniers outils que les journalistes russes indépendants en exil utilisent pour diffuser des contenus fiables à destination de leurs concitoyens. RSF condamne cette manœuvre de censure et exhorte les autorités à rétablir le débit normal des vidéos sur la plateforme.

Bureau Europe de l’Est et Asie centrale de RSF

YouTube dans le viseur du Kremlin

Cela fait plusieurs mois que la plateforme américaine est dans le collimateur de la Russie. En avril, le Roskomnadzor avait accusé YouTube d’être “l’une des principales plateformes de diffusion de désinformation” sur l’invasion russe de l’Ukraine. Début juillet, Rostelecom, l’une des plus grandes entreprises russes de télécommunications, dont l’actionnaire principal est l’État russe, a tenté de justifier les futurs ralentissements sur YouTube en pointant la “vétusté” des équipements Google, maison mère de YouTube. Les premiers ralentissements ont été signalés par des utilisateurs le 1er août, et la société Google a immédiatement démenti en être à l’origine. 

Les autorités russes avaient prévenu vouloir agir directement contre la plateforme. Dès le 25 juillet, Alexander Khinshtein, président de la commission du Parlement russe sur la politique de l’information, a annoncé que la vitesse de téléchargement des vidéos YouTube diminuerait de 70 % début août. Cette mesure, prise soi-disant pour lutter “contre l’administration d’une ressource étrangère qui viole et ignore la législation russe”, est en réalité une réponse directe à la suppression par YouTube de contenus de propagande du Kremlin depuis l’invasion russe de l’Ukraine le 24 février 2022. 

Une source proche de l’administration présidentielle russe a rapporté au site d’information russe Gazeta.ru que la plateforme pourrait être entièrement bloquée d’ici l’automne, avec une dégradation progressive du service cet été.

Censure des médias indépendants 

Depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie, les médias et journalistes indépendants russes, forcés à l’exil, ont développé leurs formats vidéos sur YouTube pour contourner la censure instaurée par le Kremlin qui renforce sa mainmise sur Internet. Signe du succès de YouTube, les vidéos des journalistes et médias indépendants cumulaient 165 millions de vues sur la plateforme en septembre 2023, selon les données d’un rapport publié par The Fix et du JX Fund, fonds de soutien pour le journalisme en exil créé par RSF. Cette popularité s’explique notamment car YouTube, contrairement à Facebook et Instagram, n’était pas encore interdite par les autorités russes. 

Un rassemblement prévu par des utilisateurs à Moscou le 17 août pour dénoncer ce ralentissement a été interdit par les autorités. 

La Russie occupe la 162e place sur 180 pays dans le Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2024. 

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