RSF soutient l'appel de la famille de Shireen Abu Akleh à une enquête internationale

La famille de Shireen Abu Akleh poursuit sa quête de justice, cette fois en déposant une plainte officielle auprès de la Cour pénale internationale à La Haye, ce mardi 20 septembre. Le même jour, une enquête menée par Al-Haq et Forensic Architecture conclut que l'armée israélienne a "visé explicitement Shireen et ses collègues".

“Comme les précédentes, la nouvelle enquête menée par l’ONG Al-Haq et le groupe de chercheurs Forensic Architecture rappelle la culpabilité de l'armée israélienne, qui refuse pourtant toute responsabilité pour le meurtre de Shireen Abu Akleh, estime le bureau Moyen-Orient de Reporters sans frontières. RSF soutient l'appel de la famille de Shireen Abu Akleh à une enquête internationale et reste fermement engagé à obtenir justice.”

 

La famille de Shireen Abu Akleh a déposé une plainte officielle auprès de la Cour pénale internationale pour le meurtre de la journaliste par un soldat israélien le 11 mai 2022, alors qu’elle couvrait des affrontements dans le secteur de Jénine, en Cisjordanie. Une délégation d'avocats de la famille, rejointe par des représentants du Syndicat du journalisme palestinien et de la Fédération internationale des journalistes (IFJ), a officiellement déposé à La Haye, le 20 septembre, la plainte accusant Israël d'avoir assassiné Shireen Abu Akleh, d'avoir tiré sur son collègue journaliste Ali al-Samoudi, journaliste et producteur palestinien d’Al-Jazeera qui était à ses côtés, et d'avoir pris pour cible la journaliste Shatha Hanaysheh, qui l’accompagnait également.

Sur son compte Twitter, la nièce de la journaliste palestino-américaine, Lina Abu Akleh, a expliqué que la plainte demandait à la communauté internationale d'enquêter sur le meurtre de Shireen Abu Akleh. 

“Il est évident que les criminels de guerre israéliens ne peuvent pas enquêter sur leurs propres crimes, indique une déclaration de la famille de Shireen Abu Akleh. Les États-Unis ont l'obligation d'enquêter et de prendre des mesures significatives pour l'un de leurs propres citoyens. Mais lorsqu'un État lui-même ne parvient pas à protéger ses propres citoyens, il est de la responsabilité de la communauté internationale de les protéger elle-même.” 

Une nouvelle investigation 

La déclaration de la famille Abu Akleh fait également référence à une nouvelle enquête publiée le même jour par l'organisation palestinienne de défense des droits Al-Haq et l'unité d'investigation de Forensic Architecture. Une enquête qui conclut que l'armée israélienne avait intentionnellement visé la journaliste.

Dans une vidéo résumant leur travail, Al Haq et Forensic Architecture ont présenté leurs preuves. En analysant de nouvelles séquences exclusives soumises par Al Jazeera, et en s'appuyant sur des témoignages, des sons et des vidéos capturés dans la zone, ainsi que sur une modélisation géographique de la scène du crime, ils concluent que “que la source des tirs mortels était un tireur d'élite de l'OIF [armée israélienne] dans un véhicule armé.”

“Shireen et ses collègues ont été explicitement visés alors qu'ils étaient identifiables comme des membres de la presse, indique la vidéo. Une fois abattue, Shireen a été délibérément empêchée de recevoir des soins médicaux par [l’armée Israélienne].” 

Selon Forensic Architecture et Al-Haq, l'enquête a également révélé de manière concluante qu'il n'y avait pas eu de coups de feu tirés par des Palestiniens et qu'aucun Palestinien armé ne se trouvait à proximité des journalistes.



Interrogé par RSF, le directeur de l'association palestinienne Al-Haq, Shawan Jabarin a précisé :

“Notre conclusion est le résultat d'une approche professionnelle combinée à des méthodes scientifiques, loin de toute dimension politique. Notre seul objectif était de découvrir la vérité.”

Plusieurs enquêtes – notamment de l’ONU, du New York Times, et de CNN – avaient abouti à la conclusion que Shireen Abu Akleh avait probablement été tué par des tirs israéliens. 

Le 5 Septembre 2022, un rapport d'enquête menée par l'armée israélienne a également admis : “Il y a une forte possibilité que Madame Abu Akleh ait été touchée accidentellement par un tir de l'armée israélienne qui visait des suspects identifiés comme des hommes armés palestiniens.”

L'armée s'est abstenue de poursuivre l'enquête, et tout espoir de suivi a été immédiatement anéanti deux jours plus tard, lorsque le Premier ministre Yaïr Lapid a déclaré qu'il ne permettrait pas “qu'un soldat qui se protégeait des tirs de terroristes soit poursuivi en justice juste pour obtenir des félicitations de l'étranger.

L'espoir d'une justice internationale

La plainte déposée par la famille de la journaliste à la CPI fait suite à d'autres plaintes déjà déposées par le Syndicat du journalisme palestinien, concernant les journalistes Ahmed Abu Hussein et Yaser Murtaja, tous deux tués en 2018, ainsi que les journalistes blessés Nidal Ishtaya et Moath Amarnih, qui a reçu des éclats de balle dans l’oeil gauche, lui en faisant perdre l’usage, alors que la police des frontières israélienne dispersait les manifestants.

Le dernier appel de RSF à CPI date de mai 2021, lorsque l'organisation a demandé à la procureure Fatou Bensouda d’inclure les bombardements des médias dans son enquête sur la situation. L’appel a eu lieu suite à une campagne de bombardements israéliens à Gaza, le 15 mai 2021, qui avait visé et détruit les bureaux de l'Associated Press (AP) et d'Al Jazeera, près d'un an avant l'assassinat de Shireen Abu Akleh, sa correspondante à Jénine.

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