RSF s’inquiète du nombre croissant d’attaques contre les journalistes dans l’Union européenne (UE) et les pays voisins

Si les pays de la zone UE-Balkans font habituellement figure de “bons élèves” au Classement mondial de la liberté de la presse de Reporters sans frontières, la tendance de ces derniers mois marque une dégradation alarmante.

Du 1er mai au 30 septembre, au moins 285 violations de la liberté de la presse ont été enregistrées par MappingMediaFreedom. Cette plate-forme, qui recense les menaces dont la profession fait l’objet, a été mise en place en mai 2014 par l’ONG Index on Censorship avec l’appui de la Commission européenne, et gérée depuis mai 2015 en partenariat avec la Fédération européenne des journalistes et Reporters sans frontières. Les pays avec le plus grand nombre d’incidents signalés sont la Turquie (40), l’Italie (38) et la Hongrie (20). « A l’issue de la première année de ce projet commun, plus de 750 incidents avaient déjà été enregistrés. Cela signifie que chaque jour, en Europe, plusieurs journalistes sont agressés dans l’exercice de leur métier, et ce, jusqu’au coeur d’Etats de droit », déplore Alexandra Geneste, responsable du bureau UE-Balkans de Reporters sans frontières, rappelant qu’une grande partie des agressions restent malheureusement non documentées. Comme l’an dernier, la Turquie est le pays enregistrant le nombre le plus important de violations contre les médias (40 incidents rapportés), souligne Index on Censorship dans un rapport mis en ligne sur leur site. L'organisation précise qu'à l'approche des élections législatives du 1er novembre, « la liberté d’informer continue à se détériorer, avec de multiples signalements de raids policiers contre des organismes de presse, de journalistes interpellés, emprisonnés ou expulsés ». L'agression du célèbre chroniqueur Ahmet Hakan, l'attaque de la rédaction du quotidien Hürriyet, l'arrestation de journalistes de VICE News et l'interpellation simultanée de 31 collaborateurs de médias kurdes, sont quelques-uns des graves incidents qui ont marqué le seul mois de septembre. « L'emballement de la censure en Turquie est extrêmement inquiétant, non seulement pour la liberté d'information mais aussi pour l'avenir du pays, déclare Johann Bihr, responsable du bureau Europe de l’est et Asie centrale de RSF. Alors que les combats entre forces armées turques et rebelles kurdes du PKK ensanglantent de nouveau le pays, le rôle de médias libres et indépendants est plus important que jamais. La censure, au contraire, ne fait qu'attiser les tensions et cliver davantage une société au bord du gouffre. » L’Italie, qui a perdu 24 places au Classement mondial de la liberté de la presse 2015 de Reporters sans frontières, suit de peu la Turquie. Parmi les 38 incidents recensés par MappingMediaFreedom, figurent un grand nombre de menaces proférées notamment par la mafia à l’encontre de journalistes et de procédures en diffamation abusives intentées majoritairement par des élus locaux ou des acteurs économiques. « L’impunité dont bénéficie les auteurs de ces agressions est un problème majeur », fait remarquer Corinne Tesei, de l’Observatoire Ossigeno per l’informazione, qui recense au jour le jour tous les actes d’intimidation visant la presse italienne. « Voitures incendiées, poursuites judiciaires abusives, censures et menaces de mort sont le lot quotidien de nombreux journalistes italiens, dont certains préfèrent ne pas ébruiter les incidents dont ils sont victimes par peur de représailles ou parce qu’ils veulent pouvoir mener à bien leurs enquêtes. », souligne la journaliste franco-italienne. Le cas du journaliste Sandro Ruotolo, du show télévisé Servizio Pubblico diffusé par la chaîne La7, est représentatif des dangers auxquels est confrontée la presse en Italie. Il a été placé sous protection policière en mai 2015 après avoir reçu des menaces de mort du patron du clan Casalesi, de la Camorra, Michele Zagaria, proférées depuis sa cellule. Le mafieux appelait à « éventrer » le journaliste. Ces menaces sont intervenues après la diffusion d’un reportage sur la pollution de déchets toxiques, dans lequel Sandro Ruotolo interviewe un repenti de la Camorra. Avec au moins 20 attaques visant des journalistes, signalées entre mai et septembre sur le site de MappingMediaFreedom, la Hongrie continue de faire figure de lanterne rouge en matière de respect de la liberté de la presse. Les réformes liberticides adoptées par le Premier ministre Viktor Orban depuis son arrivée au pouvoir fin 2010, à commencer par la loi sur les médias, menacent la liberté d’informer. Le 18 septembre dernier, des journalistes étrangers venus couvrir la crise des réfugiés à la frontière avec la Serbie ont été physiquement agressés par des policiers hongrois. Des violences condamnées par Reporters sans frontières, qui a appelé les autorités hongroises à sanctionner les personnes responsables. Quant aux sept pays issus de l’ex-Yougoslavie (Serbie, Croatie, Bosnie, Macédoine, Monténégro, Kosovo et Slovénie), ils comptent un total de 55 des 285 incidents rapportés, avec 17 d’entre eux survenus en Croatie, En France, ce sont 18 violations de la liberté de la presse qui ont été recensées par MappingMediaFreedom ces cinq derniers mois, la plus récente étant des cas de censure au sujet desquels Reporters sans frontières et le collectif de journalistes Informer n'est pas un délit ont réclamé au CSA l'ouverture d'une enquête. Il s’agit de « censure de documentaires perpétrés ces derniers mois au sein du groupe Canal+ à l'initiative partielle ou totale de Vincent Bolloré », président des conseils de surveillance de Vivendi et du groupe Canal +.
Publié le
Updated on 20.01.2016

Europe - Asie centrale

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