RSF révèle qu’une filiale de Canal+ commercialisait jusqu’à hier une chaîne de propagande russe diffusée par SFR

Alors que Reporters sans frontières (RSF) enquêtait sur la diffusion de Channel one Russia en France, la chaîne vient d’être retirée du bouquet SFR, commercialisé par une filiale de Canal+ international. Jusqu’à ce 4 mars, SFR continuait donc de diffuser ce média, instrument clé de la propagande du Kremlin, malgré son interdiction dans l’Union européenne depuis plus d’un an.

De la propagande à vil prix. Jusqu’au week-end du 3 mars, et pour 7,90 euros seulement, les abonnés Internet à SFR pouvaient continuer à profiter des programmes de Perviy Kanal, l’une des chaînes d’État les plus suivies de Russie. Cette dernière faisait encore partie du “bouquet russe”, un ensemble de chaînes russes, assemblées par Thema, une filiale du groupe Canal+, propriété du groupe Bolloré. Commercialisée à l’étranger, notamment en France, sous le nom de Channel one Russia, elle fait pourtant l’objet de sanctions européennes depuis plus d’un an. 

Le 16 décembre 2022, Channel one Russia a été ajoutée à la liste des chaînes interdites dans le cadre du neuvième train de sanctions contre la Russie depuis l’invasion de l’Ukraine. Le champ d’application de ces sanctions est pourtant très clair. Il couvre “tous les moyens de transmission et de distribution à l'intérieur ou à destination des États membres de l'UE, y compris le câble, le satellite, la télévision par protocole Internet, les plateformes, les sites web et les applications” comme le rappelle le Conseil européen sur son site.

“L'enquête de RSF révèle qu'une chaîne sous sanctions européennes était pourtant accessible jusqu'à il y a quelques jours en France. Depuis l’invasion de l’Ukraine en 2022, Channel one Russia multiplie les reportages malhonnêtes, les commentaires d’incitation à la haine et la justification de la guerre en Ukraine. Nous invitons les opérateurs français et la société Thema à proposer des chaînes russes libres et indépendantes comme le fait désormais l’opérateur satellitaire Eutelsat à l’initiative de RSF avec le bouquet Svoboda.   

Arnaud Froger
responsable du bureau investigation de RSF

Alerté par le Comité Diderot – un collectif français de promotion de la libre circulation de l’information fondé par deux experts des médias – de la présence sur le site de Thema d’offres commerciales concernant des chaînes russes sous sanctions, RSF a contacté chaque fournisseur de télévision par Internet pour vérifier leur présence dans leur bouquet et l’effectivité de leur diffusion. Si Free, Orange et Bouygues ont cessé la diffusion de Channel one Russia depuis plusieurs mois, SFR continuait à la proposer à ses clients, comme a pu le vérifier RSF, en recevant une offre commerciale du service client et auprès d’une personne abonnée à ce bouquet.

Le vice-président senior de la distribution multiculturelle et du digital chez Thema, Timothée Vidal, a indiqué à RSF que le site de sa société n’avait pas été mis à jour. Interrogé vendredi 1er mars sur le fait que leur client SFR continuait à diffuser une chaîne interdite dans le cadre d’un contrat avec son entreprise, il s’est dit “surpris”.

Contacté à de multiples reprises, le service de presse d’Altice France, propriétaire de SFR, n’a pas donné suite à nos demandes d’explication. Mais la chaîne a été subitement retirée du bouquet russe ce lundi 4 mars, comme l’a confirmé un abonné.

Channel one interdite, Svoboda disponible

Channel one Russia fait partie de l’arsenal de désinformation en Russie, où la télévision reste un média très influent. Depuis l’invasion de l’Ukraine, elle multiplie les contenus propagandiste, trompeur, homophobe ou incitant à la haine, comme l’avaient démontré RSF et le Comité Diderot, pour obtenir la mise en demeure d’Eutelsat par l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom). L’opérateur satellitaire avait alors été contraint de mettre fin à la diffusion de trois chaînes de propagande russes dont Channel one Russia dans plusieurs pays européens. 

Dernièrement, à l’occasion du deuxième anniversaire de la guerre, la croissance des exportations agricoles de l’Ukraine était présentée de manière fallacieuse comme étant à l’origine des affrontements entre agriculteurs et forces de l’ordre au salon de l’agriculture lors de la visite du président Emmanuel Macron. Un traitement similaire avait été réservé à une manifestation contre les conséquences de l’inflation en Belgique détournée par la chaîne comme un mouvement de protestation massif contre l’aide fournie à l’Ukraine.

À l’inverse, afin de donner accès à des sources d'information fiables aux régions et aux populations abreuvées par la désinformation et la propagande, RSF a officiellement lancé, ce 5 mars, en partenariat avec le Comité Diderot, “Svoboda”, un bouquet satellitaire opéré par Eutelsat et dédié à la diffusion d'informations indépendantes auprès des publics russophones. Il comprend déjà 9 chaînes de télévision et radio russophones diffusées vers la Russie, le Bélarus, les territoires occupés en Ukraine et les pays baltes.

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