RSF répond aux attaques du ministre polonais suite à la publication d'une déclaration défendant l'indépendance des médias

Le ministre polonais de la Justice, Zbigniew Ziobro, a mal interprété les inquiétudes de Reporters sans frontières (RSF) concernant sa tentative d'imposer une ligne politique aux médias polonais. L'organisation, qui défend la liberté, le pluralisme et l'indépendance du journalisme, demande à l’autorité de régulation des médias KRRiT de rejeter la plainte du ministre, juridiquement infondée et politiquement motivée, à l'encontre de TVN et TVN24.

Dans sa déclaration publiée le 10 août sur X (anciennement Twitter), le ministre polonais de la Justice et procureur général Zbigniew Ziobro a accusé RSF d'« hypocrisie sans limites ». Dans un communiqué de presse ultérieur citant son message, il a ajouté que l'organisation faisait des « affirmations mensongères ».

Cette attaque fait suite à une déclaration de RSF critiquant sa décision de déposer une plainte auprès du Conseil national de l'audiovisuel (KRRiT) contre le plus grand média indépendant du pays, TVN, et sa chaîne d'information en continu, TVN24. « Les représentants du gouvernement du parti Droit et Justice ne peuvent pas choisir le contenu des médias dans le but de poursuivre leur propre programme politique », a déclaré RSF le 4 août.

« Nous regrettons que le ministre Zbigniew Ziobro ne comprenne pas nos préoccupations et nous accuse sans fondement de ne pas dire la vérité. Demander au régulateur des médias de sanctionner TVN et TVN24 pour des éléments qu'elles n'ont pas diffusés est clairement une tentative politiquement motivée et juridiquement infondée de remettre en cause leurs décisions éditoriales. Attachée au principe démocratique de l'indépendance des médias, RSF appelle le KRRiT à rejeter la plainte de Zbigniew Ziobro.

Pavol Szalai
Responsable du bureau UE-Balkans de RSF

Zbigniew Ziobro, qui se présente aux élections générales d'octobre prochain en tant que chef du parti de droite radicale Pologne souveraine, a accusé TVN d'enfreindre la loi par une « couverture partisane des événements ». Il fait alors référence à un reportage télévisé qui critiquait le fait que Zbigniew Ziobro ait appelé le président à gracier une femme condamnée en 2021 pour agression d’un militant des droits des personnes LGBT. Selon Zbigniew Ziobro, TVN aurait également dû informer les téléspectateurs, dans ses émissions, d'une agression contre un chauffeur de camion lors d'une campagne anti-avortement. Une cour d'appel a mis fin à la procédure en juillet dernier, en raison du caractère peu préjudiciable de l'agression. Le ministre a critiqué le verdict.

Dans sa déclaration diffusée sur le réseau social X et visant RSF, le ministre a affirmé qu'il ne faisait que « souligner le manque d'objectivité journalistique de la chaîne TVN, c'est-à-dire le fait qu'elle ait délibérément gardé le silence sur le scandale » (lié au chauffeur de camion anti-avortement). Il y décrit RSF - qui défend l'indépendance des médias quelle que soit leur ligne éditoriale - comme une organisation imposant aux médias une certaine ligne politique, ce qu’il fait en réalité de son propre chef. 

La critique de RSF et le positionnement de l’organisation ne porte pas sur le contenu des médias : elle s’appuie sur la loi polonaise sur les médias, qui stipule clairement que « le diffuseur façonne le programme de manière indépendante ».

La majorité au pouvoir en Pologne a déjà tenté à plusieurs reprises de saper l'indépendance de la chaîne. Il y a deux ans, la « lex TVN » a été adoptée par le parlement malgré les inquiétudes de RSF. Ce projet de loi aurait obligé la société américaine Discovery à céder sa part au sein du plus grand média indépendant du pays. Face à la pression internationale, le président polonais a finalement mis son veto au projet de loi, fin 2021.

Sur 180 pays, la Pologne est classée 57e au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2023.

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