RSF interpelle John Kerry sur la situation de la liberté d’information au Maroc
Organisation :
A l’occasion de la visite de John Kerry à Rabat dans le cadre du dialogue stratégique entre les Etats-Unis et Maroc, les 11 et 12 novembre prochains, Reporters sans frontières a adressé, le 6 novembre 2013, une lettre au Secrétaire d’Etat américain afin de lui faire part de ses préoccupations quant à la situation de la liberté de l’information au Maroc.
L’organisation lui demande entre autres d’aborder avec son homologue marocain, Mr Salaheddine Mezouar, le cas du journaliste Ali Anouzla toujours poursuivi dans le cadre de la loi anti-terroriste.
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Monsieur John Kerry
Secrétaire d’Etat des Etats-Unis
2401 E. Street, N.W.
Washington, D.C. 20037
United States of America
Paris, le 6 novembre 2013
Monsieur le Secrétaire d’Etat
A l’occasion de votre visite officielle à Rabat dans le cadre de la deuxième session du dialogue stratégique entre les Etats-Unis et le Maroc, les 11 et 12 novembre prochains, Reporters sans frontières souhaite vous faire part de ses inquiétudes relatives à la situation de la liberté de l’information au Maroc. L’affaire “Ali Anouzla” a récemment secoué le royaume chérifien. Ali Anouzla est le directeur de la version arabophone du site marocain d’information Lakome, arrêté le 17 septembre 2013 à Rabat pour avoir publié un lien vers un article du quotidien espagnol El Pais. Cet article renvoyait lui-même vers une vidéo attribuée au groupe Al-Qaeda au Maghreb islamique. Ali Anouzla a été libéré le 25 octobre, après avoir passé plus de cinq semaines en “détention préventive”. Cependant, il reste inculpé, entre autres, d’“assistance matérielle” et “apologie de crimes terroristes”, et encourt 10 à 30 ans de réclusion criminelle. La prochaine audience du journaliste devant le juge d’instruction est prévue pour le 23 décembre prochain. Par ailleurs, les versions arabophone et francophone du site Lakome sont toujours bloquées depuis le 17 octobre. Reporters sans frontières considère cette procédure judiciaire et cette censure, fondées sur une décision politique et arbitraire, comme étant des atteintes graves au droit à la liberté d’information. Au-delà du cas d’Ali Anouzla, la situation de la liberté de l’information au Maroc, 136ème sur 179 pays dans le Classement mondial de la liberté de la presse de 2013, suscite un certain nombre d'inquiétudes et nécessite que les autorités prennent des mesures concrètes pour améliorer le respect du droit d'informer et d'être informé. L’organisation a régulièrement souligné la nécessité de réformes juridiques permettant de garantir de manière pleine et entière le principe même de la liberté d’information. Or, les promesses de réformes des autorités marocaines, annoncées depuis le référendum constitutionnel de 2011, tardent à se concrétiser. Aussi, Reporters sans frontières rappelle combien il est urgent de dépénaliser les délits de presse, aussi bien dans le code de la presse (article 41) que dans le code pénal (articles 179, 54, 65 et 66), sans pour autant que cela ne se traduise par une augmentation du montant des amendes, qui doivent rester proportionnées. Et la loi doit définir de manière claire et précise les délits, notamment pour ce qui est des “insultes” et des “graves insultes”, qui sont des notions éminemment subjectives, laissant une place importante à l’arbitraire, de la part notamment des magistrats. Le principe de primauté de la loi spéciale sur la loi générale doit être réaffirmé afin de s’assurer qu’aucune disposition du code pénal ne soit appliquée quand il s’agit d’un délit de presse. L’institution judiciaire doit, en parallèle, être réformée afin de garantir une réelle indépendance des juges. Reporters sans frontières demande également la suppression dans les textes et dans la pratique des “lignes rouges” que sont la monarchie, l’islam et l’intégrité territoriale, ainsi que les interdictions de publication pour “délit de blasphème”. Un mécanisme indépendant et transparent pour l’attribution des cartes de presse et des accréditations pour les journalistes marocains et étrangers travaillant pour des médias nationaux ou étrangers doit être mis en place. Leur octroi ou retrait ne doit pas être laissé à l’arbitraire d’une décision politique. Tout retrait doit être le fruit d’une décision judiciaire exceptionnelle. Un mécanisme indépendant et transparent pour l’allocation des subventions publiques directes aux médias, ainsi que pour la publicité (publique et privée) doit également être déterminé, tout comme un mode de régulation (et ou d’auto-régulation) des médias (presse/audiovisuel) indépendant et transparent. Aussi, il nous paraît important qu’au cours de vos échanges avec votre homologue marocain, Mr Salaheddine Mezouar, vous souleviez la question de la liberté de l’information dans le pays, et que vous abordiez en particulier les pratiques inquiétantes utilisées à l’encontre du journaliste Ali Anouzla et du site d’information Lakome, qui constituent une menace grave pour l’ensemble de la presse indépendante au Maroc. Je vous remercie sincèrement de l’attention que vous porterez à cette lettre, et vous prie d’agréer, Monsieur le Secrétaire d’Etat, l’expression de ma haute considération. Christophe Deloire Secrétaire général de Reporters sans frontières Cc - Ambassade des Etats-Unis au Maroc
Secrétaire d’Etat des Etats-Unis
2401 E. Street, N.W.
Washington, D.C. 20037
United States of America
Paris, le 6 novembre 2013
Monsieur le Secrétaire d’Etat
A l’occasion de votre visite officielle à Rabat dans le cadre de la deuxième session du dialogue stratégique entre les Etats-Unis et le Maroc, les 11 et 12 novembre prochains, Reporters sans frontières souhaite vous faire part de ses inquiétudes relatives à la situation de la liberté de l’information au Maroc. L’affaire “Ali Anouzla” a récemment secoué le royaume chérifien. Ali Anouzla est le directeur de la version arabophone du site marocain d’information Lakome, arrêté le 17 septembre 2013 à Rabat pour avoir publié un lien vers un article du quotidien espagnol El Pais. Cet article renvoyait lui-même vers une vidéo attribuée au groupe Al-Qaeda au Maghreb islamique. Ali Anouzla a été libéré le 25 octobre, après avoir passé plus de cinq semaines en “détention préventive”. Cependant, il reste inculpé, entre autres, d’“assistance matérielle” et “apologie de crimes terroristes”, et encourt 10 à 30 ans de réclusion criminelle. La prochaine audience du journaliste devant le juge d’instruction est prévue pour le 23 décembre prochain. Par ailleurs, les versions arabophone et francophone du site Lakome sont toujours bloquées depuis le 17 octobre. Reporters sans frontières considère cette procédure judiciaire et cette censure, fondées sur une décision politique et arbitraire, comme étant des atteintes graves au droit à la liberté d’information. Au-delà du cas d’Ali Anouzla, la situation de la liberté de l’information au Maroc, 136ème sur 179 pays dans le Classement mondial de la liberté de la presse de 2013, suscite un certain nombre d'inquiétudes et nécessite que les autorités prennent des mesures concrètes pour améliorer le respect du droit d'informer et d'être informé. L’organisation a régulièrement souligné la nécessité de réformes juridiques permettant de garantir de manière pleine et entière le principe même de la liberté d’information. Or, les promesses de réformes des autorités marocaines, annoncées depuis le référendum constitutionnel de 2011, tardent à se concrétiser. Aussi, Reporters sans frontières rappelle combien il est urgent de dépénaliser les délits de presse, aussi bien dans le code de la presse (article 41) que dans le code pénal (articles 179, 54, 65 et 66), sans pour autant que cela ne se traduise par une augmentation du montant des amendes, qui doivent rester proportionnées. Et la loi doit définir de manière claire et précise les délits, notamment pour ce qui est des “insultes” et des “graves insultes”, qui sont des notions éminemment subjectives, laissant une place importante à l’arbitraire, de la part notamment des magistrats. Le principe de primauté de la loi spéciale sur la loi générale doit être réaffirmé afin de s’assurer qu’aucune disposition du code pénal ne soit appliquée quand il s’agit d’un délit de presse. L’institution judiciaire doit, en parallèle, être réformée afin de garantir une réelle indépendance des juges. Reporters sans frontières demande également la suppression dans les textes et dans la pratique des “lignes rouges” que sont la monarchie, l’islam et l’intégrité territoriale, ainsi que les interdictions de publication pour “délit de blasphème”. Un mécanisme indépendant et transparent pour l’attribution des cartes de presse et des accréditations pour les journalistes marocains et étrangers travaillant pour des médias nationaux ou étrangers doit être mis en place. Leur octroi ou retrait ne doit pas être laissé à l’arbitraire d’une décision politique. Tout retrait doit être le fruit d’une décision judiciaire exceptionnelle. Un mécanisme indépendant et transparent pour l’allocation des subventions publiques directes aux médias, ainsi que pour la publicité (publique et privée) doit également être déterminé, tout comme un mode de régulation (et ou d’auto-régulation) des médias (presse/audiovisuel) indépendant et transparent. Aussi, il nous paraît important qu’au cours de vos échanges avec votre homologue marocain, Mr Salaheddine Mezouar, vous souleviez la question de la liberté de l’information dans le pays, et que vous abordiez en particulier les pratiques inquiétantes utilisées à l’encontre du journaliste Ali Anouzla et du site d’information Lakome, qui constituent une menace grave pour l’ensemble de la presse indépendante au Maroc. Je vous remercie sincèrement de l’attention que vous porterez à cette lettre, et vous prie d’agréer, Monsieur le Secrétaire d’Etat, l’expression de ma haute considération. Christophe Deloire Secrétaire général de Reporters sans frontières Cc - Ambassade des Etats-Unis au Maroc
Publié le
Updated on
20.01.2016