RSF exhorte le gouvernement du Sri Lanka à cesser le harcèlement des journalistes tamouls

Deux journalistes tamouls soupçonnés de “terrorisme” doivent être interrogés dans les prochains jours, ce qui relève d’un énième épisode de harcèlement judiciaire. Reporters sans frontières (RSF) condamne ce climat d’inquiétude qui pèse sur les reporters tamouls et demande la fin de méthodes illégales et abusives qui dégradent dangereusement la situation de la liberté de la presse.

“Les pressions permanentes imposées aux journalistes tamouls sont insupportables et représentent des atteintes graves à la liberté de la presse, déclare le bureau Asie-Pacifique de RSF. Nous appelons le nouveau président sri lankais Ranil Wickremesinghe à s’engager pour mettre fin aux accusations abusives de “terrorisme”. Les forces de sécurité doivent cesser de harceler tout journaliste qui aborde de près ou de loin la question tamoule.”

Convocations judiciaires à la pelle

Des charges de “terrorisme” employées à l’envi contre des journalistes. Les reporters Balasingham Krishnakumar et Selvakumar Nilanthan sont à nouveau les cibles de la Division des enquêtes antiterroristes (CTID) du Sri Lanka. Ils sont tous les deux convoqués le 14 septembre à Colombo, la capitale du pays, pour expliquer leur supposée proximité avec l’organisation indépendantiste des Tigres tamouls.

Les journalistes viennent tous deux de la ville de Batticaloa, à l’est de l’île, et militent activement pour l’organisation de défense de la liberté de la presse locale. Ils ont également en commun d’appartenir à la minorité ethnique tamoule, principalement hindouiste, dans un pays peuplé majoritairement de Cinghalais, principalement bouddhistes. 

L’opposition entre les deux groupes ethniques a tourné à l’horreur lors de la guerre civile qui a déchiré le Sri Lanka entre 1983 et 2009. C’est justement au motif de vouloir réveiller le conflit que les journalistes sont la cible des autorités.

Obligé de donner l’accès à son compte bancaire

Les journalistes tamouls sont coutumiers des convocations judiciaires. Selvakumar Nilanthan, journaliste pour le Tamil Guardian, a eu à rendre des comptes au CTID à plusieurs reprises. En février, il était interrogé après avoir couvert les manifestations anti-gouvernement qui secouaient le pays. Les services antiterroristes l’accusaient de “promouvoir le séparatisme sur les réseaux sociaux” et de vouloir “ranimer les Tigres tamouls”.

En juillet 2021, ce même Selvakumar Nilanthan, a été questionné pendant plus de trois heures par les forces de sécurité de Batticaloa. Sous la pression des officiers, il a accepté de donner l’accès à ses comptes Facebook et Whatsapp, mais aussi à ceux de sa boîte mail et de son compte en banque. 

Sa liberté de ton et ses sujets d’articles semblent largement déplaire au gouvernement de Colombo. En 2020, il était inquiété pour un reportage dénonçant l’accaparement des terres par l’armée, aux dépens des agriculteurs tamouls. Quelques mois plus tôt, le journaliste était poursuivi par le CTID pour avoir révélé une affaire de corruption de la part de l'administration locale de Chenkalady, dans l’est du pays.

Emprisonné pour une publication Facebook

Malgré l’écrasement des Tigres tamouls et la fin de la guerre civile en 2009, les oppressions subies par le groupe ethnique minoritaire n’ont pas cessé. Parce qu’ils témoignent des violences contre leur communauté, les journalistes tamouls sont les cibles régulières des autorités politiques. 

Le journaliste Murugupillai Kokulathasan peut en témoigner : entre novembre 2020 et mars 2022, il a croupi quinze longs mois dans les geôles sri-lankaises. Les autorités l’accusaient d’avoir diffusé des photos de la rébellion séparatiste des Tigres tamouls sur Facebook. En réalité, sa publication se contentait de commémorer les victimes civiles du conflit sri-lankais.

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