RSF et le collectif des organisations démocratiques au Burkina Faso demandent la réouverture du procès Zongo

A l’occasion du 16e anniversaire de la mort du journaliste Norbert Zongo, le collectif des associations en soutien à Norbert Zongo demande à l'Etat burkinabé de faire toute la lumière sur cette affaire. Reporters sans frontières a interviewé Abdoullaye Diallo, Directeur du Centre de presse Norbert Zongo à Ouagadougou. Bonjour Monsieur Diallo. Demain, 13 décembre 2014 marquera le triste anniversaire des 16 ans de la mort du journalistes Norbert Zongo. Qu'est-il prévu pour marquer cette journée? Plusieurs évènements sont prévus. Une campagne de sensibilisation est en cours avec des affiches, des distributions de t-shirts et des spots à la radio. La journée commencera par un moment de recueillement sur la tombe du journaliste, puis le Collectif des organisations démocratiques de masse et de partis politiques (CODMPP) organisera un rassemblement à la place de la Révolution pour une marche-meeting. A l'issue de cette marche, une lettre sera remise aux autorités demandant notamment la réouverture du dossier Norbert Zongo. Nous diffuserons également le film "Borry Bana, le destin fatal de Norbert Zongo" près de la mairie de Bogodogo. Enfin, en plus de commémorer une grande perte, nous souhaitons aussi penser à l'avenir. Nous remettrons donc trois bourses à de jeunes étudiants en droit ou en journalisme. Le but de ces bourses est de permettre à ces étudiants en fin d'étude de terminer adéquatement leurs études et de pouvoir rapidement devenir des professionnels dans leurs disciplines. Qu'attendez vous du nouveau régime dans le cadre de cette affaire? Nous pensons qu'avec le départ de l'ancien régime, il existe une opportunité pour rouvrir le dossier et l'examiner avec professionnalisme afin d'identifier les auteurs et les commanditaires de l'assassinat de Norbert Zongo. Pensez vous que les conditions pour rouvrir ce dossier sont réunies? Oui. D'ailleurs, l'ancien procureur Sagnon([Adama Sagnon ancien procureur de la République sous le régime Compaoré a refusé de considérer la réouverture du dossier à la demande de Reporters sans frontières en octobre 2006, estimant que les éléments censurés du rapport de la Commission d 'enquête indépendante soumis à sa considération par l'organisation "n’apport(aient) rien de nouveau à l’affaire". Nommé ministre du gouvernement de transition au portefeuille de la Culture, la pression de la société civile, l'a contraint à démissionner le 25 novembre 2014.)] lui-même l'a dit, les délais de prescription ne sont pas dépassés. Les blocages étaient liés à l'ancien régime qui n'avait jamais permis de procès équitable. Aujourd'hui un tel procès est envisageable. Nous demandons instamment au gouvernement de tout faire pour assurer la sécurité des deux suspects encore vivants ([La commission d 'enquête indépendante avait identifié en 1999 six suspects principaux dans le cas de la mort de Norbert Zongo, tous membres de la garde présidentielle avec à leur tête l’adjudant Marcel Kafando, chef de la sécurité rapprochée du président Blaise Compaoré. A ce jour, quatre d'entre eux sont morts et ne restent en vie que les simples soldats: Christophe Kombasséré et Ousséni Yaro.)], sur les six initialement désignés par la Commission d'enquête indépendante, afin qu'ils puissent être entendus dans le cadre d'un nouveau procès. Nous avons également lancé un appel à documents afin d'obtenir des témoignages additionnelles pouvant aider à faire la lumière sur cette affaire". “Reporters sans frontières se joint à cet appel pour la réouverture du dossier d'enquête dans l'assassinat du journaliste Norbert Zongo déclare Cléa Kahn-Sriber, responsable du Bureau Afrique. Nous appelons les autorités de transition du Burkina à ne pas décevoir les espoirs de justice. Il faut que ce tort historique et judiciaire puisse enfin être rectifié". L'organisation de cette journée de commémoration ne s'est pas déroulée sans heurts. Le comité organisateur a connu quelques difficultés à obtenir l'autorisation de tenir cette manifestation, qui est pourtant un rendez-vous annuel du calendrier citoyen. A l'issue d'une conférence de presse le 7 décembre des responsables du CODMPP dénonçant ce blocage, une solution a pu être trouvée et la manifestation pourra se tenir le 13 décembre à la Place de la Révolution. Norbert Zongo avait été retrouvé mort avec trois camarades, le 13 décembre 1998 dans sa voiture à Sapouy, au sud de Ouagadougou, le corps calciné et criblé de balles. Le journaliste enquêtait alors sur la mort en détention, aux mains du régiment de la sécurité présidentielle (RSP) de David Ouédraogo, le chauffeur de François Compaoré, frère et conseiller du président. Selon plusieurs témoignages recueillis par la Commission d'enquête indépendante à l'époque, Norbert Zongo avait fait l'objet de plusieurs tentatives d'intimidation ou de corruption de la part de personnalités proches de François Compaoré. Il avait toujours refusé de mettre un terme à ses enquêtes. Les carences de l’instruction judiciaire de l'époque ont été condamnées par la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP) dans un arrêt du 28 mars 2014. La non résolution de l'affaire Norbert Zongo demeure une plaie vive dans le flanc de la société burkinabé, fatiguée de l'impunité ambiante. Comme nous le confiait Abdoullaye Diallo, "Au delà des associations de défense des victimes, la justice pour Norbert Zongo est une revendication populaire de tout le pays". (Photo logo: Norbert Zongo) (Crédit photo slideshow: lefaso.net)
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Updated on 20.01.2016