RSF demande la libération du journaliste néerlandais Okke Ornstein, condamné pour diffamation au Panama

Condamné à 20 mois de prison pour diffamation en 2012, le journaliste Okke Ornstein a été arrêté, puis incarcéré le 15 novembre 2016 au Panama. Face à de nombreuses irrégularités judiciaires et une sentence totalement disproportionnée, RSF demande sa libération immédiate.

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MISE À JOUR

Okke Ornstein a été libéré le 23 décembre 2016 suite à la signature d'un décret par le président de la République du Panama Juan Carlos Varela, mettant également fin à l'interdiction d'exercer la profession de journaliste sur le territoire panaméen. RSF se réjouit de cette décision mais reste attentive aux suites judiciaires données à cette affaire.

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La tenue du sommet international de la lutte contre la corruption, du 1 au 4 décembre dernier à Panama City, ne manque pas d’ironie. En effet, quelques jours plus tôt, le journaliste néerlandais Okke Ornstein, qui revenait d’un séjour aux Pays-Bas, était arrêté par les douanes à l’aéroport international de Tocumen (Panama City), et immédiatement placé en détention. Ornstein est dans le collimateur de la justice pour avoir dénoncé dans de multiples publications des graves faits de corruption dans le pays.


Journaliste indépendant, domicilié et résidant au Panama depuis 15 ans, Okke Ornstein a collaboré avec de nombreux médias, dont la chaîne Al Jazeera.


Depuis le 14 décembre 2012, il encourt une peine cumulée de 20 mois de prison (huit mois pour injure et 12 mois pour calomnie), après la plainte déposée par l’homme d’affaires canadien Monte Morris Friesner pour une série d'articles publiés sur le site Bananama Republic, l’un de ses blogs personnels. Le journaliste y dénonçait les activités illicites (fraude et blanchiment d’argent) de l’entreprise Pronto Cash, créée par Morris Friesner au Panama; pratiques pour lesquelles l’homme d’affaires est poursuivi au pénal par la justice locale. Pour des activités similaires, Monte Friesner avait d’ailleurs été reconnu coupable par la justice américaine en 1995.


Sur son blog, Ornstein avait l’habitude de critiquer, avec sarcasme, les activités commerciales douteuses et la corruption au Panama.


Contactée par RSF, l’avocate d’Ornstein aux Pays-Bas, Channa Samkalden affirme que le procès n’a pas été tenu dans des conditions équitables, et que son client n’a bénéficié d’aucune assistance juridique convenable pour se défendre au Panama. La sentence a pourtant été confirmée en appel en 2015. La famille d’Ornstein s’interroge de son côté sur le timing de cette arrestation, et affirme que face au manque de collaboration et d’informations de la part de la justice panaméenne, Okke n’a jamais imaginé se retrouver en prison et n’a pas jugé nécessaire de faire appel.


RSF demande à la justice panaméenne de libérer immédiatement Okke Ornstein et d’abandonner les charges retenues contre lui, dans l’attente d’un jugement équitable, déclare Emmanuel Colombié, responsable du Bureau Amérique latine de l’organisation. Au Panama, les poursuites pénales pour diffamation sont malheureusement trop courantes, et les journalistes jugés ‘gênants’ se retrouvent régulièrement devant les tribunaux. Ces pratiques, qui constituent une grave menace contre la liberté de la presse dans le pays, doivent cesser”.


Le ministère des Affaires étrangères panaméen s’est prononcé publiquement le 1er décembre, affirmant que le processus judiciaire avait été parfaitement respecté, conformément aux lois en vigueur dans le pays, et qu’Ornstein avait systématiquement bénéficié d’un représentant légal pour sa défense.


Une déclaration immédiatement réfutée par Orstein et sa famille. Selon Ornstein, l’avocate Ana González, assignée à sa défense, n’a pas suffisamment communiqué avec lui, ne l’a jamais informé des options légales possibles, et n’a jamais répondu à ses sollicitations. Orstein déplore aussi l’absence d’interprète hollandais durant les audiences auxquelles il a participé.


Certains des proches d’Ornstein, mobilisés pour obtenir justice et qui informent régulièrement des avancées de l’affaire sur le site FreeOkkeOrnstein.org, n’ont pas pu rendre visite à Okke. Manuel Succari, l’avocat panaméen d’Okke rapporte par ailleurs que la fille du journaliste aurait été humiliée publiquement par les gardiens pénitentiaires de la prison.


Le positionnement très critique d’Ornstein contre la corruption au Panama lui a valu d’être accusé de diffamation à de nombreuses reprises. En plus des 20 mois de prison requis dans l’affaire Morris Friesner, Ornstein encourt une autre peine de 18 mois de prison, après la plainte déposée en décembre 2015 par Patrick Visser, un autre homme d’affaires, néerlandais lui aussi. Celui-ci reproche à Ornstein d’avoir relayé sur Bananama Republic des informations sur un système de compensation des émissions de carbone frauduleux, opéré par son entreprise Silva Tree au Panama.


De façon simultanée, Ornstein est également inculpé pour trois autres affaires de diffamation, pour lesquelles la justice n’a pas encore donné suite.


Le Panama est classé 91ème au Classement mondial de la liberté de la presse publié par RSF en 2016.
Publié le
Updated on 06.01.2017