RSF demande la libération de Mahadine en détention arbitraire depuis 10 mois.

Dix mois après avoir été enlevé, séquestré et torturé par les services secrets tchadiens, le journaliste et blogueur tchadien Mahadine est toujours détenu arbitrairement sans avoir jamais été jugé sur le fond. Reporters sans frontières (RSF) condamne ce traitement indigne et demande sa libération.

Fondateur d’un journal bilingue français et arabe, qui paraît dans la capitale tchadienne N’Djamena, Tadjadine Mahamat Babouri, alias Mahadine, a été enlevé en pleine rue le 30 septembre 2016, par six hommes armés, appartenant à l’Agence nationale de sécurité (ANS), les services secrets tchadiens dont RSF a maintes fois critiqué les méthodes brutales et arbitraires.


Quelques jours avant son enlèvement, Mahadine avait posté sur Facebook des vidéos et des commentaires dans lesquels il critiquait la mauvaise gestion et la corruption du président de la République, ainsi que l’implication abusive de son épouse dans les affaires de l’Etat.


Pendant dix jours, le journaliste a été séquestré dans des lieux secrets, torturé, privé d’eau et de nourriture, et interdit de toute visite de la part de son avocat ou de sa famille. Il a finalement été inculpé par le parquet le 10 octobre 2016, pour « atteinte à l’ordre constitutionnel, à l’intégrité territoriale et à la sécurité nationale, d’intelligence avec un mouvement insurrectionnel », des charges sans proportions aucunes aux posts incriminés. Au lieu d’être incarcéré près de chez lui, Mahadine a été transféré à la prison isolée et surpeuplée de Moussoro - située à plus de 300 km de son domicile à N’Djamena et connue pour ses conditions terribles de détention.


Très affaibli physiquement, et bien que maintenu en détention, Mahadine ne reçoit pas l’aide médicale nécessaire et attend depuis plus d’un mois son transfert vers la capitale, en vue d’être enfin jugé sur le fond par un juge d’instruction.


“Nous condamnons absolument les conditions de cette arrestation et les conditions de détention qui violent le droit à un procès équitable. Nous demandons la libérationdeMahadine qui n’a fait que son travail de journaliste, en attirant l’attention sur des sujets d’intérêt public. Le Tchad doit cesser les exactions contre les journalistes et respecter la liberté de la presse“ déclare RSF.



Un climat délétère pour les journalistes


RSF a recensé au moins cinq atteintes graves à la presse au Tchad depuis le début de l’année 2017. Les journalistes subissent fréquemment le harcèlement des services secrets : enlevés, séquestrés, ils sont victimes de mauvais traitements et souvent de torture, dans le secret le plus total et en toute impunité. Les poursuites judiciaires et condamnation à de sévères peines de prison sont également la norme, malgré la loi n°17 sur le régime de la presse qui interdit les peines privatives de liberté pour les journalistes.


Deux journalistes, victimes d’enquêtes abusives, devraient être prochainement fixés sur leur sort. L’audience de Sylver Beindé Bassandé, directeur de la radio communautaire Nada FM et correspondant de FM Liberté, qui afait appel de sa condamnation à deux ans de prison ferme et 100 000 francs CFA, au terme d’un procès mascaradea été reportée au 18 juillet. Quand à Nestor Déli, directeur de publication du bimensuel Éclairages, qui est lui poursuivi pour diffamation, il doit comparaître le 12 juillet prochain.Le journaliste avait publié un article accusant Daoussa Déby Itno,le frère du président Idriss Déby,de s’enrichir en participant à un trafic visant à faire entrer au Tchad du sucre de manière frauduleuse, concurrençant ainsi le monopole de la Compagnie sucrière du Tchad (CST), une entreprise d’Etat.


Le Tchad occupe la 121ème place sur 180 dans l’édition 2017 du Classement de la liberté de la presse établi par RSF.

Publié le
Updated on 19.07.2017