RSF demande aux États membres de l’ONU de bloquer la candidature infondée de la Chine au Conseil des droits de l’homme

PHOTO: Fabrice COFFRINI / AFP

Compte tenu des violations généralisées et systématiques de la liberté de la presse et du droit à l’information en Chine continentale et à Hong Kong, et au vu des tentatives de Pékin de perturber les activités de l’ONU sur ces questions, Reporters sans frontières (RSF) demande à l’Assemblée générale des Nations unies (AGNU) de voter contre la réélection de la Chine au Conseil des droits de l’homme des Nations unies (CDH).

Le 10 octobre prochain, l’Assemblée générale des Nations unies (AGNU) élira 15 États (sur un total de 47 sièges) au Conseil des droits de l’homme des Nations unies (CDH). La Chine, actuellement membre du Conseil, est candidate à sa réélection. Depuis son élection pour un cinquième mandat au CDH en 2021, le régime chinois demeure le plus grand geôlier de journalistes au monde, avec au moins 114 défenseurs de la liberté de la presse actuellement détenus, ce qui témoigne des violations continues du droit universel à l’information par le pays.

“Offrir à la Chine, l’un des plus grands prédateurs de la liberté de la presse et des droits de l’homme au monde, une tribune pour influencer et saper les normes internationales, c’est mettre en danger le droit à l’information dans le monde entier. Nous exhortons tous les membres des Nations unies à voter contre la réélection de la Chine au Conseil des droits de l’homme et appelons les États à renforcer la pression sur le régime pour obtenir la libération de tous les journalistes et défenseurs de la liberté de la presse détenus, tant en Chine qu’à Hong Kong.

Cédric Alviani
Directeur du bureau Asie de l’Est de RSF.

Les conditions de détention en Chine, célèbres pour leur âpreté, mettent en péril la vie de journalistes tels que Zhang Zhan, détenue depuis 2020 pour avoir couvert la pandémie de Covid-19 à Wuhan. La santé de la journaliste indépendante Huang Xueqin, torturée en prison et récemment jugée pour “incitation à la subversion du pouvoir de l'État” – sans qu’aucun verdict n’ait été rendu public à ce jour – s’est aussi considérablement dégradée au cours de sa détention. 

À Hong Kong, le fondateur du média indépendant Apple Daily Jimmy Lai – dont le procès devrait s’ouvrir le 18 décembre – risque une peine d’emprisonnement à vie en vertu de la loi sur la sécurité nationale. Les ressortissants étrangers ne sont pas non plus à l’abri des griffes de la répression étatique, comme l’a montré l’enlèvement, en 2015 en Thaïlande, de l’éditeur suédois Gui Minhai, qui a par la suite été condamné à 10 ans de prison malgré de graves problèmes de santé.

Pékin tente de perturber la réunion du CDH sur la liberté des médias

En plus d’imposer de sévères restrictions à la liberté de la presse au niveau national, le régime de Pékin a tenté d’user de son influence pour perturber les activités des Nations unies liées à situation des droits de l’homme et des libertés fondamentales en Chine continentale et à Hong Kong. Réagissant à l’organisation d’un événement parallèle consacré à la liberté des médias à Hong Kong prévu le 27 septembre, sous le parrainage du Royaume-Uni et de 24 autres États, la délégation chinoise a exhorté tous les États membres de l’ONU à le boycotter, dans une lettre qui aurait été remise en mains propres à toutes les délégations présentes à Genève. Une déclaration publique similaire de la région administrative spéciale de Hong Kong s’en est suivie. Cet appel au boycott a lamentablement échoué, et de nombreux ambassadeurs et quelques médias internationaux ont participé à l'événement. Un délégué chinois est intervenu pour exprimer à nouveau la forte opposition de la Chine à l’organisation de cet événement et affirmer que l'État de droit est respecté à Hong Kong.

S’exprimant au cours de l'événement, la directrice des campagnes de RSF, Rebecca Vincent, a rappelé aux délégations que la promotion des droits humains et des libertés fondamentales fait partie des objectifs mêmes des Nations unies comme le prévoit leur cadre juridique. Elle a souligné que les déclarations de la mission chinoise selon lesquelles les libertés fondamentales, y compris la liberté des médias, seraiient respectées à Hong Kong “ne pouvaient être plus éloignées de la vérité”, affirmant que “depuis que le Classement mondial de la liberté de la presse de RSF existe, c’est-à-dire depuis 21 ans, nous n’avons jamais assisté à une détérioration aussi brutale et rapide de la liberté de la presse que celle que nous avons constatée à Hong Kong “.

Le régime continue de harceler des défenseurs de la liberté de la presse

Le lendemain, le 28 septembre, le rapport annuel du Secrétaire général des Nations unies sur les représailles condamnait le ciblage par la Chine des personnes et des organisations qui coopèrent avec les organes de l’ONU sur les questions des droits de l’homme en Chine et à Hong Kong. Le rapport dénonçait en particulier les représailles dirigées contre Sébastien Lai, le fils de Jimmy Lai, et contre son équipe juridique internationale, à la suite de leurs actions entreprises auprès des organes de l’ONU pour mettre en lumière le cas de Jimmy Lai et dénoncer l'utilisation de la loi sur la sécurité nationale pour cibler les journalistes et les militants pro-démocratie présents sur le territoire.

Bien que cette année, il y ait autant de candidats à l'élection pour la région Asie-Pacifique que de sièges disponibles, les membres du CDH ne peuvent être élus qu’avec l’accord de la majorité absolue (97 voix) de l’Assemblée générale. Conformément à la Résolution 60/251 de l’AGNU, les États membres doivent “tenir compte de la contribution des candidats à la promotion et à la protection des droits humains” lorsqu'ils votent.

Depuis son arrivée au pouvoir en 2012, le dirigeant chinois Xi Jinping mène une véritable croisade contre le journalisme, comme le révèle le rapport de RSF Le Grand Bond en arrière du journalisme en Chine, publié en décembre 2021, qui détaille les efforts de Pékin pour contrôler l’information et les médias à l’intérieur comme à l’extérieur de ses frontières.

Classée 179e sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2023, la Chine est l’État qui détient le plus grand nombre de journalistes et de défenseurs de la liberté de la presse, avec au moins 114 d’entre eux actuellement sous les verrous.

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