RSF dénonce les menaces visant des journalistes français, provenant vraisemblablement de la police chinoise
Suite à leur reportage sur un dissident chinois, deux journalistes d'investigation français ont reçu des menaces qu’ils pensent venir notamment de la police chinoise. Reporters sans frontières (RSF) s’alarme de ces attaques ainsi que de la menace transnationale chinoise pour réprimer les journalistes, et appelle les autorités françaises à identifier et poursuivre les responsables en justice.
“Vous humiliez le peuple chinois”, “profite de ta vie”, “je trouverai l’adresse de chacun” : Antoine Izambard, reporter à l’hebdomadaire Challenges et son co-réalisateur, le documentariste Thomas Lafarge, ont récemment reçu des menaces provenant d’un numéro qu’ils pensent être affilié à la police chinoise.
Ces intimidations font suite à la diffusion sur la chaîne de télévision publique France 2, le 1er mai dernier, de leur reportage “La Chine fait-elle la police en France ?” sur une tentative de la police chinoise à l'étranger de rapatrier de force le ressortissant chinois Ling Huazhan, poursuivi par Pékin pour ses activités dissidentes passées.
"Après s'en être prise aux journalistes chinois en exil, il semblerait que la police chinoise menace maintenant sans vergogne les journalistes étrangers dans leur pays d'origine. Une telle manœuvre du régime de Pékin pour contrôler l'information au-delà de ses frontières doit être stoppée par les autorités françaises. Nous leur demandons d’identifier et de traduire les responsables en justice, d'empêcher la police chinoise d'opérer sur le sol français en toute impunité et de protéger les journalistes contre toute intimidation, d’où qu’elle vienne.
Juste avant la sortie prévue du documentaire, le 1er mai 2024, un dénommé Mr. X a infiltré le groupe de discussion des journalistes sur une messagerie chiffrée et leur a écrit des messages en chinois pour les dissuader de diffuser la vidéo. À la sortie du reportage, l'ambassade de Chine en France a déclaré qu’il était “basé sur des mensonges et un récit monté de toute pièce”.
Entre le 27 mai et le 3 juin, Thomas Lafarge a reçu une dizaine d'appels accompagnés de menaces écrites en provenance d'un numéro chinois. Selon les deux journalistes, qui ont mené l'enquête pour démasquer cet individu, l'appelant est vraisemblablement lié à la police chinoise. Le 1er juin, le groupe de discussion des reporters a de nouveau été piraté par une personne les accusant de "créer une fausse histoire", "d'humilier le peuple chinois" et menaçant de "trouver [leurs] adresses".
“Ces menaces anonymes visent à museler les journalistes qui travaillent sur l’activisme du Parti communiste chinois à l’étranger. L’objectif d’un tel procédé, qui n’est malheureusement pas nouveau, est clairement de nous intimider et de nous faire peur”, explique Antoine Izambard.
La répression transnationale chinoise cible les journalistes
Ce n'est pas la première fois que des journalistes enquêtant sur des dissidents chinois font face à ce type de harcèlement et d'intimidation.
En mars 2023, la journaliste chinoise basée en Chine Su Yutong a recu des menaces de mort et de viol apres avoir enquêté sur Wang Jingyu, un dissident chinois en exil. Une personne anonyme avait également accusé Marije Vlaskamp, une journaliste néerlandaise du quotidien de Volkskrant, de préparer des attaques à la bombe contre les ambassades chinoises aux Pays-Bas et en Norvège fin 2022, après qu'elle avait écrit sur le même dissident chinois.
La Chine, qui emprisonne le plus de journalistes au monde avec au moins 118 détenus, se classe au 172e rang sur 180 pays du Classement mondial 2024 de la liberté de la presse de RSF.