RSF appelle les députés à renforcer les garanties contre la surveillance des journalistes dans le projet de loi de programmation de la justice

Le Sénat a adopté un mécanisme permettant l’activation à distance des micros et des caméras des téléphones portables pour localiser ou espionner des personnes faisant l’objet d’enquêtes. Reporters sans frontières (RSF) demande que les garanties prévues pour protéger les journalistes contre la surveillance soient élargies.

L’article 3 du projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la Justice 2023-2027 prévoit d’autoriser le déclenchement à distance des caméras ou micros des appareils connectés, comme les téléphones ou les ordinateurs, à l’insu des personnes visées, pour les localiser, les écouter ou les filmer dans le cadre de certaines enquêtes. Certaines garanties ont été prévues, ou introduites au Sénat, pour empêcher les abus de ces dispositifs : il ne pourra y être fait recours que sur autorisation d’un juge, pour des périodes limitées, et uniquement dans le cadre d’enquêtes sur des crimes graves (terrorisme et criminalité organisées pour l’écoute à distance, et ceux punis de plus de 10 ans de prison pour la géolocalisation). 

En principe, les journalistes ne pourront pas être filmés ou écoutés à leur insu, sur la base de ce texte dont chacun peut apprécier la pertinence ou les dangers. Le Sénat a introduit une exception les concernant : “l’autorisation ne peut pas concerner les appareils utilisés par les personnes qui résident ou exercent habituellement leur activité professionnelle” dans des médias, ni au domicile, ni dans le véhicule d’un journaliste ”lorsque les investigations sont liées à son activité professionnelle.” Si des données sont collectées dans ces conditions, elles ne pourront pas être retranscrites et donc apparaître au dossier. Il en va de même pour les correspondances avec un journaliste permettant d'identifier une source.

Pour RSF, ces garanties doivent naturellement être préservées, mais aussi renforcées. Le droit français sur le secret des sources, s’il est relativement protecteur, ne prévoit aucun mécanisme permettant de se prémunir ou de poursuivre son non-respect. Or le mécanisme concernant la géolocalisation ne prévoit à ce stade aucune exception pour les journalistes. Seuls les parlementaires, les avocats et les magistrats se voient prémunis contre l’activation à distance de leurs appareils électroniques pour les localiser. RSF appelle dès lors les députés à prévoir pour la géolocalisation la même exception qui s’applique pour l’activation à distance des micros et caméras des appareils électroniques.

“La protection du secret des sources est essentielle à la liberté de la presse, la Cour européenne des droits de l’homme a jugé qu’elle en est la ‘pierre angulaire’ d’où l’absolue nécessité de protéger les journalistes contre la surveillance. Nonobstant les garanties prévues dans le projet de loi, et les amendements adoptés au Sénat, afin de protéger les journalistes contre les abus des mécanismes qu’il prévoit, RSF demande que celles-ci soient non seulement préservées par les députés, mais aussi élargies à la géolocalisation.

Paul Coppin
Responsable juridique de Reporters sans frontières (RSF)

Rien ne justifie l’absence d’exceptions similaires pour les deux dispositifs, celui de l’activation à distance des appareils et de la géolocalisation, d’autant que la simple localisation à distance d’un journaliste est susceptible de sérieusement porter atteinte à la confidentialité de son travail, et est susceptible de permettre ou de contribuer à identifier une source.

Le projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la Justice 2023-2027 a été adopté par le Sénat le 13 juin puis transmis le même jour à l’Assemblée nationale. La date à laquelle les députés seront appelés à examiner ce projet de loi n’est pas encore connue. 

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