RSF appelle le gouvernement britannique à mettre fin aux attaques contre la liberté de la presse
A l’occasion de la rentrée parlementaire le 21 juin, Reporters sans Frontières (RSF) appelle le gouvernement à agir immédiatement en faveur de la liberté de la presse améliorer le climat de la liberté d’information au Royaume-Uni mise à mal tout au long de l’année.
Depuis que Theresa May est devenue Premier ministre en juillet 2016, son gouvernement a appliqué quelques mesures inquiétantes visant à restreindre la liberté de la presse, ce qui a fait passer le Royaume-Uni à la 40e place (en perte de deux places) de la liste des 180 pays du Classement 2016 sur la liberté de la presse établi par RSF.
Le cas de Zaina Erhaim est particulièrement éloquent. Cette journaliste syrienne récompensée, a été détenue et interrogée en septembre 2016 à l’aéroport de London Heathrow, où les autorités frontalières britanniques lui ont confisqué son passeport que le régime d’Assad avait signalé à tort comme étant volé. Cette mesure a mis Erhaim et sa petite fille en danger et neuf mois plus tard, le ministère de l’Intérieur refuse toujours de lui rendre son passeport ou de lui offrir une aide concrète.
Quand elle était elle-même ministre de l’Intérieur, Mme May a instauré le Investigatory Powers Act, une loi inquiétante adoptée en novembre 2016 et décrite comme « la loi de surveillance la plus extrême de l’histoire du Royaume-Uni ». RSF a prévenu que cette loi pourrait signer « la mort du journalisme d’investigation » au Royaume-Uni car elle ne comprend pas suffisamment de mécanismes permettant de protéger les journalistes, les lanceurs d’alerte et leurs sources.
En parallèle du débat sur les pouvoirs d’investigation, les questions concernant la réglementation de la presse ont culminé une fois de plus en novembre 2016 quand Impress est devenu régulateur officiel et que la Section 40 du Crime and Courts Act 2013 est devenue une menace potentielle pour la liberté de la presse, en raison d’une disposition exigeant des médias qui refusent de s’inscrire à un organisme de réglementation approuvé par l’État qu’ils assument les frais des plaintes déposées contre eux. Fort heureusement, le Parti conservateur s’est engagé dans son programme électoral à révoquer la Section 40 et à ne pas mettre en œuvre la seconde étape de la Leveson Inquiry – deux mesures demandées par RSF.
En février, une autre mesure alarmante a été prise : la Commission du droit a proposé de remplacer la Official Secrets Act par une nouvelle « loi sur l’espionnage » qui permettrait d’étendre le champ de l’espionnage qui serait « commis par un individu qui non seulement communique des informations, mais aussi qui obtient et réunit ces informations ». Cette loi rendrait plus facile l’étiquetage des journalistes, des blogueurs comme « espions », ce qui pourrait leur valoir une peine d’emprisonnement de 14 ans maximum pour avoir simplement obtenu des fuites d’information.
Les restrictions imposées par les partis conservateur et travailliste sur l’accès des journalistes aux événements des campagnes précédant les élections anticipées du 8 juin ont incité RSF à demander à tous les candidats de respecter la liberté de la presse pendant leur campagne. Toutefois, tout de suite avant les élections, de hauts responsables gouvernementaux ont émis des commentaires préoccupants concernant la prise potentielle de mesures contre la liberté de la presse.
Le 4 juin, lors d’un discours au sujet de l’attentat de London Bridge, Mme May a déclaré qu’Internet devait être réglementé davantage pour « priver les extrémistes de leurs espaces sûrs en ligne ». Ces déclarations faisaient suite aux suggestions du ministre de l’Intérieur, Amber Rudd, sur le chiffrement. Le 7 juin, Mme May a déclaré qu’elle changerait les lois sur les droits de l’homme si elles entravaient les efforts anti-terroristes du gouvernement. Cette attitude n’était pas seulement celle du Premier ministre. Le 6 juin, le ministre des Affaires étrangères, Boris Johnson, a déclaré avec désinvolture dans une interview à la station de radio LBC : « Les gens en ont marre de ces histoires de liberté d’expression ».
« L’état de la liberté de la presse au Royaume-Uni est devenu très préoccupant cette année – une tendance négative qui doit être inversée. Nous appelons le gouvernement à veiller à placer la liberté de la presse et les droits de l’homme au centre de leurs pratiques, politiques et lois pour l’avenir », a déclaré Rebecca Vincent, directrice du Bureau de RSF au Royaume-Uni.
Dans l’immédiat, RSF demande instamment au gouvernement de mettre en œuvre sans tarder l’engagement du programme électoral du parti conservateur, à savoir révoquer la Section 40 de la Crime and Courts Act 2013 et abandonner la seconde étape de la Leveson Inquiry, et d’autre part de rendre à la journaliste syrienne Zaina Erhaim son passeport et de veiller à ce que le système britannique ne soit pas manipulé pour cibler les journalistes étrangers critiques à l’avenir.
RSF demande aussi au gouvernement d’annuler tous les projets visant à faire de la proposition de la Commission de droit d’avoir une « loi sur l’espionnage » ; de ne pas introduire de législation anti-terroriste sans fondement et susceptible de menacer la liberté d’expression et enfin de veiller à la protection des lanceurs d’alerte, des journalistes et de leurs sources quand il met en œuvre le Investigatory Powers Act.
Informations presse : Rebecca Vincent à [email protected] ou au +44 (0)7583 137751