RSF appelle la Commission européenne à faire appliquer le DSA avec la plus grande fermeté

Le Digital Services Act (DSA) entre en vigueur ce 25 août pour les plus grandes plateformes parmi lesquelles Facebook, Instagram, Snapchat, TikTok, X (ex-Twitter) ou encore YouTube. Voici les recommandations de Reporters sans frontières (RSF) pour une mise en œuvre résolue et ambitieuse.

Adopté le 19 octobre 2022, le Digital Services Act entrera en application le 17 février 2024, mais il prendra effet de façon anticipée dès le 25 août 2023 pour les plus grands acteurs, à savoir les très grandes plateformes. Sont visés à ce jour 17 grandes plateformes et deux moteurs de recherche, qui ont au moins 45 millions d’utilisateurs actifs par mois, parmi lesquels Facebook, Instagram, Snapchat, TikTok, X, YouTube, Bing et Google Search.

Ce texte important leur impose de lutter plus efficacement contre les contenus illicites et la désinformation, et d’être transparents sur les règles de modération et de recommandation de contenus. Ces plateformes devront se soumettre à des audits réguliers, évaluer les “risques systémiques” qu’elles posent et y remédier. 

"Face aux plus grandes plateformes, la Commission ne doit pas trembler. Le DSA lui donne des moyens juridiques sans précédent. RSF appelle la Commission à faire preuve de la plus grande fermeté dans la mise en œuvre du DSA dès son entrée en vigueur.

Christophe Deloire
Secrétaire général de Reporters sans frontières

Nos recommandations pour la mise en oeuvre du DSA`

  • La Commission, autorité compétente pour contrôler la bonne application du DSA par les plus grandes plateformes, devra savoir déléguer la mise en œuvre de certaines dispositions du texte à des tiers indépendants aux fins d’expertise voire de décision. Outre lui apporter des capacités dont elle ne dispose pas, cette délégation renforcera la légitimité des décisions prises et réduira le risque de contestation de son rôle au regard de sa double nature législative et exécutive.
  • La Commission devra exiger la transparence des algorithmes de modération et de recommandation. Dès lors que les plateformes doivent justifier le fonctionnement de leurs algorithmes, la Commission doit obtenir qu’un accès direct à l’algorithme permette d’identifier et de comprendre les causes et les mécanismes des risques systémiques que les grandes plateformes sont susceptibles de poser.
  • La Commission devra trouver Ies moyens d’imposer aux plateformes le respect d’une obligation de neutralité politique, idéologique et religieuse. Les plateformes ne sauraient favoriser des contenus qui correspondent à la vision du monde de leurs dirigeants. Le Digital Market Act (DMA) ​​ le pendant du DSA prévoit heureusement une obligation de neutralité des plateformes vis-à-vis de leurs propres intérêts économiques. 
  • Face à des plateformes qui ne respecteraient pas le DSA, la Commission devra dégainer rapidement et résolument les mesures les plus coercitives du texte : amendes jusqu’à 6 % du chiffre d’affaire mondial, voire interdiction d’opérer dans l’UE. Par exemple, X (ex-Twitter) a décidé de se soustraire au Code de pratique contre la désinformation, ce qui contrevient au moins à l’esprit du DSA.
  • La Commission devra assurer strictement le respect des “codes de conduite”. Le DSA prévoit en effet l’adoption par les grandes plateformes de codes d’autorégulation, à l’instar du Code contre la désinformation, adopté en 2022 et déjà en vigueur. La Commission devra être attentive à leur bonne application, et à l’implication effective des plus grandes plateformes. Dès lors que celle-ci ne serait pas sincère, la Commission devra savoir en tirer les conséquences : transformer les engagements proposés dans ces codes en obligations contraignantes.
  • La Commission devra en particulier s’engager pour la promotion de la fiabilité de l’information. L’engagement 22 du Code de pratique contre la désinformation, qui prévoit que les plateformes doivent permettre l’accès de leurs utilisateurs à des outils d’évaluation de la fiabilité de l’information, n’a à ce jour été signé que par une seule plateforme. Dès lors que les autres grands acteurs refusent de s’engager, la Commission devra transformer cet engagement en obligation.
  • Le DSA est aujourd’hui le texte le plus abouti et ambitieux de régulation des plateformes. L’Union européenne devrait faire bénéficier de son expertise des États étrangers qui sont demandeurs. Le Partenariat international pour l’information et la démocratie (PID), cadre privilégié d’une coopération globale entre États, régulateurs et acteurs de la société civile, peut être le véhicule approprié à cette fin. 
  • La Commission devra compléter le DSA par d’autres initiatives, notamment pour assurer la protection de l’espace informationnel européen, conformément à la préconisation de RSF. Le texte ne saura à lui seul résoudre tous les enjeux de l’espace de l’information et de la communication, ni répondre aux défis que le chaos informationnel pose aux démocraties. 
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