RSF appelle l’Union européenne à mieux protéger les lanceurs d’alerte

Les négociations sur la directive visant à créer une protection européenne des lanceurs d’alerte entre le Parlement européen et le Conseil de l’UE entrent dans la dernière ligne droite. Reporters sans frontières (RSF) demandent aux co-législateurs de faire preuve d’ambition et de défendre le droit à l’information.

 

La mise en place tant attendue d’une protection des lanceurs d’alertes à l’échelle européenne est sur le point de voir le jour. Mais sa portée pourrait bien se révéler insuffisante, alors que le rôle des lanceurs d’alerte dans la révélation d’atteintes à l’intérêt général n’a cessé de se vérifier depuis plusieurs années comme l’ont montré les Panama Papers, les Luxleaks ou encore l’affaire du Mediator en France.

 

“Il est essentiel de protéger les lanceurs d’alerte quand ils permettent d’informer l’opinion publique à travers les médias. Et cela de la manière la plus large possible, a déclaré Julie Majerczak, représentante de RSF auprès des institutions européennes. L’attitude du Conseil de l’UE, qui rassemble les Etats membres, cherche au contraire à limiter au maximum la possibilité pour un lanceur d’alerte de s’adresser directement à un journaliste. C’est une atteinte à la liberté d’information et au droit du public d’accéder à des informations d’intérêt général ».

 

Le texte adopté par le Conseil de l’UE, vendredi 25 janvier, ne permet pas au lanceur d’alerte de se tourner directement vers les médias, sauf en cas de danger imminent ou manifeste pour l’intérêt public, d’un risque de dommage irréversible ou en cas de collusion entre l’autorité compétente et l’auteur de l’infraction. Cette approche particulièrement restrictive des Etats membres est d’autant moins compréhensible que le recours, par un lanceur d’alerte, à un intermédiaire qu’est le journaliste, qui est en mesure de vérifier et recouper les faits qui lui sont rapportés, devrait plutôt être perçu comme un signe de la bonne foi du lanceur d’alerte et encouragé.

 

Alors que le Conseil de l’UE et le Parlement européen viennent d’entamer leur négociation, mardi 29 janvier, pour se mettre d’accord sur un texte commun, RSF demande aux Etats membres de se rapprocher de la position des parlementaires. Le texte adopté par les élus européens permet au lanceur d’alerte de se tourner directement vers la presse en cas de danger manifeste ou imminent, mais également d’atteinte à l’intérêt public et en fonction des circonstances particulières de la situation, comme la collusion, l’implication des autorités compétentes, le risque de destruction des preuves… De plus, ces circonstances ne sont pas exhaustives.

 

Il est également indispensable que les personnes qui facilitent le signalement des infractions, notamment les journalistes, bénéficient de la protection de la directive, comme le réclament les eurodéputés.

 

Par ailleurs, RSF s’inquiète de la conception très limitative des infractions qui peuvent être dénoncées par un lanceur d’alerte. Une protection large supposerait que la directive couvre les actes qui menacent ou portent préjudice à l'intérêt général. Seuls les actes ou omissions illégaux au regard du droit de l’Union sont mentionnés dans le texte du Conseil, ce qui réduit significativement la portée de la directive.

 

RSF appelle le Conseil à rallier la position des parlementaires qui intègre les abus de droit, c’est-à-dire les actes qui vont à l’encontre de l’objet ou de la finalité du droit l’Union.

Enfin, il est essentiel que le champ de la directive soit le plus large possible, notamment en matière de fiscalité et ne se limite pas à la fiscalité des entreprises.

 

« Il est indispensable que la directive soit définitivement adoptée avant les élections européennes, mais cela ne doit pas se faire au prix d’une protection insuffisante des lanceurs d’alerte ni en limitant le droit à l’information », a mis en garde Julie Majerczak. 

Publié le
Updated on 30.01.2019