Royaume-Uni : nouvel épisode de menaces contre des journalistes en Irlande du Nord, où la question de la sécurité de la profession reste entière
Alors qu’une équipe de la BBC a été la cible de menaces de mort, les conditions de sécurité pour les journalistes continuent à se dégrader en Irlande du Nord, en particulier pour ceux enquêtant sur les groupes paramilitaires et le crime organisé, qui figurent parmi les plus à risque au Royaume-Uni. Reporters sans frontières (RSF) appelle à nouveau le gouvernement britannique à prendre des mesures pour remédier à la situation et assurer la sécurité des journalistes sur tout le territoire.
La menace qu’a reçue, début février, un membre de l’équipe de films documentaires Panorama de la BBC, qui travaille sur les mondes parallèles du crime organisé lié au sport, au trafic de drogue et au commerce d’armes à travers l’Europe, a été prise très au sérieux. Le Service de police d’Irlande du Nord (Police Service of Northern Ireland, PSNI) a immédiatement alerté ses collègues avant de les mettre en lieu sûr, avec leur famille. L’équipe était en train d’enquêter sur les activités du chef de réseau criminel Daniel Kinahan, actuellement basé à Dubaï, dans le monde fermé de la boxe. Il a été cité par la Haute Cour de Dublin comme étant à la tête de l’un des plus importants cartels de drogue en Europe opérant en Irlande.
« Nous condamnons ces menaces contre l’équipe de Panorama de la BBC, qui ne sont que le dernier exemple en date de l’inquiétante dégradation des conditions de sécurité des journalistes en Irlande du Nord, déclare la directrice des campagnes internationales de RSF, Rebecca Vincent. Aucun journaliste, où que ce soit dans le monde, n’a à subir de telles atteintes alors qu’il ne fait que son travail. Nous appelons à nouveau le gouvernement britannique à prendre des mesures concrètes pour lutter contre cette tendance inquiétante qui se dessine en Irlande du Nord et pour assurer que les journalistes, sur l’ensemble du territoire, puissent accomplir leur mission en toute sécurité. »
Cet acte d’intimidation fait suite à un autre incident survenu fin novembre 2020 : la journaliste d’investigation Patricia Devlin avait été forcée de se cacher après que des menaces crédibles de la part de l’Association de défense de l’Ulster (Ulster Defence Association) avaient été découvertes par la PSNI. Quelques mois plus tôt, des menaces avaient été proférées contre toute la rédaction du Sunday Life et du Sunday World par des groupes paramilitaires criminels, ce qui avait été vivement critiqué par toute la classe politique.
Pour RSF, ces actions destinées à entraver, voire à interrompre les investigations sur le crime organisé s’inscrivent dans le climat d’intimidation et d’impunité qui règne en Irlande du Nord, et qui contribue à dégrader les conditions de travail et à décourager le journalisme d’intérêt public. RSF avait documenté le recours de plus en plus fréquent aux menaces contre les journalistes qui couvrent les activités paramilitaires et le crime organisé à la suite de l’assassinat de Lyra McKee, en avril 2019. Ce phénomène a d’ailleurs contribué au recul du Royaume-Uni au Classement mondial pour la liberté de la presse 2020.
L’année dernière, RSF avait adressé, dans son rapport sur le climat de la liberté de la presse et la sécurité des journalistes en Irlande du Nord, une liste de recommandations concrètes aux autorités britanniques – recommandations sur lesquelles elle continue de travailler dans le cadre des travaux du Comité national pour la sécurité des journalistes.
Le Royaume-Uni occupe la 35e place sur 180 pays au Classement mondial pour la liberté de la presse établi par RSF en 2020.