Rouzegar : retour sur un quotidien mort-né
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Reporters sans frontières est atterrée par le comportement de la Commission de surveillance de la presse iranienne qui a décidé d'interdire le quotidien réformateur Rouzegar (“Le Temps”). Renforcé par l'arrivée de journalistes du quotidien suspendu Shargh, le journal avait augmenté son tirage et exprimé sa volonté de traiter de sujets politiques.
“Cette interdiction de Rouzegar est aberrante. Non content de censurer la presse un tant soit peu critique, le gouvernement iranien a mis en place un véritable contrôle préalable. Rouzegar n'a pas eu l'occasion de froisser le pouvoir en place, mais il est considéré comme une menace potentielle pour le gouvernement, particulièrement en période électorale”, a déclaré l'organisation.
En intégrant dans son équipe des journalistes de Shargh, Rouzegar, quotidien social et culturel à diffusion réduite, a modifié sa ligne éditoriale dans un sens plus réformateur. Son édition du 16 octobre 2006, contenant des articles politiques, a été perçue comme une nouvelle voix modérée pour succéder à Shargh, interdit depuis septembre 2006.
Dès le 18 octobre, le ministère de la Culture s'en est pris à Rouzegar en lui interdisant formellement de traiter de sujets politiques, car, selon les autorités, ils ne font pas partie des domaines d'activités déclarés par le journal lors de sa demande d'autorisation auprès de la Commission de surveillance de la presse.
En réaction à cette mesure, Rouzegar a pris la décision, le 18 octobre, de suspendre provisoirement sa publication. Le journal a reparu le 20 octobre, avec une édition amputée de sa rubrique politique, remplacée par des articles d'informations générales et culturelles.
Mais le quotidien réformateur a finalement été interdit le 23 octobre 2006. Alizera Mokhtapour, chargé de la presse au ministère de la Culture, a indiqué s'être basé sur l'article 33 de la loi sur la presse qui permet “l'interdiction immédiate de la publication d'un journal qui remplace un journal interdit avec un nom, un logo et un format lui ressemblant”. Pour les autorités iraniennes, Rouzegar n'était qu'un Shargh déguisé.
Plus qu'un format ou un logo, c'est la nouvelle équipe rédactionnelle de Rouzegar qui a fait peur aux autorités iraniennes. Dans cette affaire comme dans d'autres, la Commission de surveillance de la presse et le ministère de la Culture se substituent à la justice pour contrôler les médias iraniens. En juillet 2004, les quotidiens modérés Vaghayeh ettefaghieh et Jomhouriat avaient été suspendus.
Vaghayeh ettefaghieh employait de nombreux journalistes issus du quotidien Yas-e no, lui-même interdit au début de la même année. L'ordre de suspension de Vaghayeh ettefaghieh mentionnait le fait que la majorité de l'équipe rédactionnelle provenait de Yas-e no.
Les autorités iraniennes avaient, sans succès, fait pression sur le directeur de Jomhouriat pour que soit limogé son rédacteur en chef, Emadoldin Baghi, figure de la presse réformatrice iranienne et ardent défenseur de la liberté d'expression. Le quotidien avait finalement été suspendu le 18 juillet 2004.
Reporters sans frontières rappelle que le président Mahmoud Ahmadinejad et l'ayatollah Ali Khamenei figurent sur la liste des prédateurs de la liberté de la presse, établie chaque année par l'organisation.
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Updated on
20.01.2016