Le chef de l'Etat ivoirien a condamné les saccages des journaux d'opposition. Il doit maintenant garantir leur retour sur le marché et mettre bon ordre au sein des médias d'Etat. Le 26 novembre, les publications censurées de force ont fait paraître leur deuxième édition commune hors-série, payante cette fois-ci, mais toujours distribuée par un circuit parallèle.
Reporters sans frontières accueille favorablement la déclaration du président ivoirien Laurent Gbagbo, condamnant les destructions des sièges de journaux indépendants ou d'opposition, le 4 novembre, et annonçant l'ouverture d'enquêtes visant à en punir les auteurs.
« S'il est déplorable que cette dénonciation intervienne trois semaines après les événements, nous saluons l'apparente volonté de Laurent Gbagbo de rendre justice aux quotidiens 24 Heures, Le Patriote, Le Nouveau Réveil, Le Jour, Le Front, Le Libéral nouveau et à toutes les rédactions réduites au silence par des extrémistes, a déclaré Reporters sans frontières. Nous espérons que les enquêtes seront sérieuses et que les coupables, quels qu'ils soient, seront réellement sanctionnés. Mais pour être cohérentes, les autorités ivoiriennes doivent également instaurer un climat professionnel au sein des médias d'Etat et garantir le retour immédiat dans les kiosques des publications muselées. Car, forte des assurances du chef de l'Etat en personne, la société de distribution Edi Presse n'a plus de raisons de refuser de les distribuer. »
Le communiqué final du Conseil des ministres qui s'est tenu le
25 novembre, lu à la télévision par le porte-parole du gouvernement, a indiqué que le chef de l'Etat Laurent Gbagbo condamnait la destruction des sièges des partis politiques d'opposition et « la destruction des sièges de certains journaux, les violences envers les personnes, et en particulier les étrangers, les femmes et les enfants ». « De tels actes ne doivent pas rester impunis », ajoute le communiqué, indiquant enfin que le président Laurent Gbagbo avait annoncé que des enquêtes étaient « en cours » pour retrouver les auteurs de ces actes de destruction, des pillages et des violences physiques.
Le 4 novembre, jour de l'offensive des forces armées ivoiriennes contre les positions des ex-rebelles, dans le nord du pays, la Côte d'Ivoire avait connu une vague de répression exceptionnelle contre la liberté d'expression. Une partie de la presse avait été muselée après le saccage, par des milices progouvernementales, des rédactions de plusieurs journaux d'opposition (photo ci-dessus : le portail d'entrée du Patriote), le sabotage des émetteurs de Radio France Internationale (RFI), BBC et Africa N°1 en modulation de fréquence, et l'éviction brutale du directeur général de la Radiotélévision ivoirienne (RTI) au profit d'un fidèle du pouvoir.
Les médias d'Etat, en situation de quasi-monopole pour informer les Abidjanais, s'étaient alors comportés en agents de propagande au service exclusif du parti présidentiel et des « Jeunes patriotes », appelant à l'insurrection anti-française et diffusant des informations catastrophistes et outrancières.
Au chômage technique, les journalistes des publications muselées ont quant à eux été contraints de vivre dans une semi-clandestinité, avant de pouvoir faire paraître une édition commune gratuite par un circuit de distribution parallèle, le 22 novembre, à la faveur d'un retour au calme dans la capitale économique. La société de distribution privée Edi Presse refusait toujours de les distribuer, invoquant « des menaces récurrentes de destruction de votre quotidien et de saccage (de ses) locaux » et le fait que, « par ailleurs, les différents crieurs et autres partenaires » estiment que « la présence (des quotidiens censurés) constitue une circonstance de nature à mettre en péril leurs activités ». Le 26 novembre, Le Patriote, Le Jour, 24 Heures, Ivoire Matin, Le Libéral nouveau, Le Nouveau Réveil et Le Front ont fait paraître une nouvelle édition commune hors-série, payante cette fois-ci, toujours distribuée par un circuit parallèle.
Le 24 novembre, les émissions de RFI et BBC en FM ont mystérieusement été rétablies à Abidjan. Par ailleurs, sur les antennes des médias publics RTI et Radio Côte d'Ivoire, le ton a quelque peu changé et des messages d'apaisement des esprits ont été régulièrement diffusés.