Reporters sans frontières s'inquiète des pressions exercées sur le rédacteur en chef d'Al-Watan

Alors que des élections législatives doivent avoir lieu dans trois semaines au Koweït, le rédacteur en chef d'Al-Watan et fervent défenseur de la liberté de la presse subit de fortes pressions de la part du gouvernement. Dans une lettre adressée, le 12 juin 2003, au ministre de l'Information koweïtien, Sheikh Ahmed Fahed Al-Ahmed, Reporters sans frontières s'est inquiétée de la convocation par le Parquet de Mohammed Al-Jassem, rédacteur en chef du quotidien Al-Watan, en raison de critiques contre le gouvernement exprimées devant une assemblée de journalistes, ainsi que lors d'une réunion politique. L'organisation a également demandé que cessent les pressions exercées sur l'ensemble des médias à l'approche des élections législatives, ainsi que les velléités gouvernementales de durcir la législation sur la presse. "En me déférant devant le parquet, le gouvernement espère sans doute mettre le journal dans de telles difficultés qu'il sera contraint de fermer. Ce n'est pas tant après moi qu'ils en ont, bien que j'aie pu prendre une part active pour contrer la nouvelle loi plus répressive envers la presse et proposée par le gouvernement. C'est la liberté de ton du journal qui les dérange véritablement", a déclaré Mohamed Al-Jassem joint par téléphone par Reporters sans frontières. En tant que rédacteur en chef d'Al-Watan, Mohammed Al-Jassem a été très impliqué depuis un an dans une campagne contre la révision dans un sens très restrictif, de la loi sur la presse et les publications. Les amendements envisagés, visant à instituer un fort contrôle gouvernemental sur la presse, ont été dernièrement rejetés par le Parlement, qui a préféré suivre les recommandations du journaliste Mohammed Al-Jassem. De nombreux observateurs voient un lien entre l'engagement de Mohammed Al-Jassem contre ce projet de loi et les charges qui pèsent aujourd'hui contre lui. La presse koweïtienne dans son ensemble s'est émue de cette affaire, qu'elle analyse comme un net recul de la liberté d'expression. L'audition de Mohammed Al-Jassem, le 9 juin 2003, a eu pour conséquence immédiate de renforcer l'autocensure pratiquée par les journaux koweïtiens. Plusieurs ont ainsi renoncé à publier des articles trop critiques à l'égard du gouvernement. C'est le cas notamment de Mohammed Musaed Al-Saleh, éditorialiste au journal Al Qabas, dont le texte, qui faisait état d'un fait connu - à savoir l'interférence gouvernementale dans les élections - a été pour la première fois depuis onze ans refusé de publication par sa direction. Mohammed Musaed Al-Saleh a par conséquent publié un autre éditorial dans lequel il relate la censure du premier texte. Le 7 juin 2003, Mohammed Al-Jassem avait pris la parole une première fois devant une assemblée de journalistes arabes. Il avait alors dénoncé l'ingérence du gouvernement dans le travail des journalistes. Le soir, lors d'un meeting politique de l'un des candidats aux élections législatives, le journaliste avait de nouveau dénoncé les mauvaises pratiques électorales du gouvernement. Sur décision du Conseil des ministres, réuni le 8 juin, le journaliste a été déféré au parquet, le 9 juin. Il lui est reproché d'avoir critiqué la famille régnante et d'avoir enfreint l'article 25 de la loi 31/1970 qui réprime le délit d'"objection au pouvoir de l'Emir en public" et l'"expression de jugements abusifs contre l'Emir". Le journaliste est passible de cinq ans de prison. Il a été libéré le jour même contre le versement d'une caution de 3 000 euros environ et devrait de nouveau être interrogé par le parquet dans les prochains jours. Le quotidien Al-Watan compte environ 200 000 lecteurs. Son rédacteur en chef, Mohammed Al-Jassem, est responsable de l'édition en arabe des magasines Newsweek et Foreign Policy. Al-Watan a commencé d'imprimer dans le pays le quotidien libanais Daily Star ainsi que le journal britannique International Herald Tribune.
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Updated on 20.01.2016