Une délégation de Reporters sans frontières a pu rencontrer le père Guy Theunis, ancien responsable de la revue Dialogue, actuellement incarcéré à la prison centrale de Kigali. Ses conditions de détention sont correctes et il reste optimiste. Reporters sans frontières, qui estime que les charges retenues contre lui sont sans fondement, rendra public très prochainement un rapport détaillé sur cette affaire.
Une délégation de Reporters sans frontières, qui s'est rendue au Rwanda du 30 septembre au 6 octobre 2005, a pu rencontrer le père Guy Theunis, ancien responsable de la revue Dialogue, actuellement incarcéré à la prison centrale de Kigali.
Le père Theunis va bien. Ses conditions de détention sont correctes et il reste optimiste. "La première nuit passée au poste de police a été très dure, mais ensuite j'ai été bien traité. J'ai été bien accueilli par les autres détenus, et je reçois des visites régulières des représentants de l'ambassade de Belgique et des Pères Blancs basés à Kigali", a raconté l'ancien journaliste à Reporters sans frontières.
Reporters sans frontières rendra public très prochainement un rapport détaillé sur cette affaire, notamment sur l'ensemble des "accusations" portées contre le père Theunis.
L'organisation de défense de la liberté de la presse a enquêté sur les accusations de "négationnisme" et "d'incitation à la haine ethnique" retenues contre le prêtre lors de son audience devant un tribunal populaire, le 11 septembre. Après avoir rencontré les principaux témoins à charge et recueilli de nombreux témoignages et documents, l'organisation confirme que rien ne justifie l'arrestation du père Theunis. "Les accusations portées contre lui n'ont aucun fondement. Rien, dans les documents présentés lors de l'audience devant la gacaca, ni ultérieurement, ne prouve que Guy Theunis aurait incité d'une quelconque façon à la haine ethnique ou nié l'existence du génocide rwandais de 1994", a déclaré Reporters sans frontières.
"Cette affaire est politique. Aucune enquête n'a vraisemblablement été menée en amont par les autorités judiciaires. Il semble que le parquet rwandais a signé un mandat d'arrêt sous la pression de certains cadres du Front patriotique rwandais (FPR, au pouvoir), dont certains ont témoigné contre Guy Theunis lors de son audience devant un tribunal populaire. Par ailleurs, la promesse faite par le gouvernement rwandais d'extrader Guy Theunis vers la Belgique à la seule condition qu'un procès ait lieu à Bruxelles n'est pas acceptable. En effet, les éléments produits par la justice rwandaise ne justifient même pas la tenue d'un procès."
Le 11 septembre 2005, à l'issue d'une audience publique, une gacaca du district de Rugenge (Kigali) a placé le père Guy Theunis dans la catégorie 1 des individus accusés d'avoir une responsabilité particulièrement grave dans le génocide de 1994. Il a aussitôt été renvoyé à la prison centrale de Kigali.
Il a été accusé d'incitation à la haine et au divisionnisme, notamment pour avoir publié des extraits d'articles du journal extrémiste Kangura dans une revue de presse éditée par Dialogue. Ce travail avait pour objectif d'informer les abonnés des dérives des médias extrémistes.
Le père Theunis a été arrêté le 6 septembre à l'aéroport de Kigali alors qu'il s'apprêtait à prendre l'avion pour retourner en Belgique. Il s'était rendu dans l'est de la République démocratique du Congo voisine pour participer à un séminaire sur la paix et la réconciliation.
Agé de 60 ans, ce missionnaire belge, membre de la Société des missionnaires d'Afrique, est le premier ressortissant étranger à comparaître devant les gacacas, ces tribunaux populaires mis en place pour juger les centaines de milliers d'individus toujours détenus et accusés d'être impliqués dans le génocide de 1994.