Reporters sans frontières demande aux autorités de ne négliger aucune piste dans l'enquête sur la mort d'un militant homosexuel
Organisation :
Reporters sans frontières a pris connaissance des déclarations de la police concernant l'enquête sur le meurtre du militant homosexuel ougandais David Kato. Selon le major général Kale Kayihura, "les investigations préliminaires désignent un cas de vol" et la mort de David Kato ne serait donc pas liée à ses activités militantes.
L'organisation engage les autorités ougandaises à mettre tous leurs efforts en œuvre pour procéder à l'arrestation des coupables et à ne négliger aucune piste. Nous tenons en outre à rappeler que l'existence de médias homophobes incitant à la haine tels que Rolling Stone contribuent à créer un climat d'insécurité au sein de la population ougandaise.
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27-01-2011- Une presse homophobe responsable de l'assassinat d'un militant homosexuel, et un contexte pré-électoral difficile pour les journalistes-
Reporters sans frontières est profondément choquée par le meurtre du militant homosexuel David Kato, mortellement passé à tabac par un inconnu, le 26 janvier 2011, à son domicile situé à environ 15 km à l'est de Kampala. Son nom et sa photo avaient été publiés en octobre 2010 par le tabloïd ougandais Rolling Stone parmi une liste de militants homosexuels que le magazine appelait à "pendre".
Cet assassinat barbare est la conséquence directe des dérives d'une presse scandaleusement irresponsable qui fait de l'appel au meurtre sa spécialité. Le magazine Rolling Stone avait été condamné par la justice ougandaise à verser des dommages et intérêts à la vingtaine de militants homosexuels qu'il avait désignés à la vindicte populaire. Reporters sans frontières appelle les autorités à davantage de fermeté. Ce crime ne doit pas rester impuni, le meurtrier de David Kato doit être retrouvé. Quant au magazine Rolling Stone, que nous tenons pour responsable de cet acte ignoble, il devrait tout simplement être interdit.
"L'existence de tabloïds tels que Rolling Stone est hautement préjudiciable à l'ensemble du monde des médias. En faisant de l'incitation à la haine leur fond de commerce, ils représentent une menace pour la société civile et décrédibilisent les véritables médias d'information. L'homophobie et l'incitation à la haine devraient être sévèrement punies", a déclaré l'organisation.
David Kato, 43 ans, militant de l'association Minorités sexuelles en Ouganda, était à la pointe du combat contre un projet de loi anti-homosexualité ultra répressif, dans ce pays où le code pénal réprime déjà sévèrement "la connaissance charnelle de toute personne contre l'ordre de la nature".
Reporters sans frontières tient toutefois à souligner que si certains médias tels que Rolling Stone entachent l'image de la presse ougandaise, de nombreux journalistes s'efforcent de faire leur travail de façon sérieuse et professionnelle malgré les difficultés liées au contexte pré-électoral actuel. En moins d'une semaine, cinq journalistes ont été agressés dans l'exercice de leurs fonctions. Le 20 janvier, Issa Aliga Masaka, correspondant pour NTV, et Ssozi Ssekimpi, rédacteur en chef de Top Radio, ont été agressés par la député Sauda Namagwa. La veille, Michael Kakumirizi, photographe pour Red Pepper, et Francis Tumwekwasiye, du groupe de presse Inter Party Cooperation (IPC), avaient été attaqués par des partisans du National Resistance Movement (NRM, parti au pouvoir) lors d'un rassemblement politique dans la région de Lango. Les agresseurs leur ont jeté des briques, blessant Michael Kakumirizi à la tête et au bras. Le 17 janvier, Mutegeki Geoffrey, journaliste pour Voice of Tooro, a été malmené par des policiers alors qu'il couvrait une grève d'étudiants à Fort Portal.
Alors que des élections présidentielle et législatives doivent avoir lieu le 18 février prochain, il est inadmissible que le travail des journalistes soit entravé, qui plus est, par des membres de la classe politique. Nous appelons les autorités et les hommes politiques à respecter la presse et à favoriser la liberté d'expression, la transparence, le pluralisme des opinions.
Photo : AFP
Publié le
Updated on
20.01.2016