Reporters sans frontières demande à Paul Kagame de revenir sur sa décision de fermer l'émetteur de RFI
Organisation :
Dans une lettre datée du 28 novembre 2006, Reporters sans frontières a écrit au président rwandais Paul Kagame, pour tenter de le "convaincre de revenir sur sa décision" du 27 novembre 2006 de stopper la diffusion en modulation de fréquence de la chaîne publique Radio France Internationale (RFI) sur le territoire du Rwanda. Le texte du courrier, signé par le secrétaire général de l'organisation, Robert Ménard, est le suivant :
"Notre organisation ne se prononce pas sur la crise ouverte entre la France et le Rwanda après la clôture de l'instruction du juge Jean-Louis Bruguière, qui a eu pour conséquence immédiate la rupture des relations diplomatiques entre votre pays et la France. Nous souhaitons simplement faire valoir auprès de vous les arguments qui nous semblent militer en faveur d'un rétablissement de la mise à disposition d'un média de cette qualité pour la population rwandaise.
"Prise sous le coup d'une colère d'Etat, la coupure brutale des émissions de RFI est une mauvaise nouvelle pour la liberté de la presse au Rwanda. Il s'agit d'un acte politique, visant à punir la France et ses institutions pour un acte posé par la justice française."
"Or rien, aux yeux de Reporters sans frontières, ne peut justifier de réduire ce média au silence, que ce soit pour sanctionner son pays d'origine ou éloigner de la population rwandaise les informations qu'il diffuse. Outre qu'il s'agit d'un geste de censure, contraire aux principes démocratiques, cela équivaut également à amalgamer un ressortissant étranger aux événements qui se déroulent sur son territoire d'origine, ce qui est à la fois injuste et dangereux."
"Identifier RFI et la France constitue, selon nous, une erreur de jugement à l'encontre de ce média, connu pour la richesse de ses programmes, la proximité affichée avec son auditorat et le sérieux de ses journalistes. La direction de la chaîne a eu l'occasion de souligner publiquement que, "par son statut", RFI bénéficie d'une "totale indépendance éditoriale", un esprit de liberté que cette chaîne a eu l'occasion de prouver. Reporters sans frontières ne peut pas oublier le fait que, par exemple, lors des années noires qui ont précédé votre arrivée au pouvoir, elle a été, par la voix de Jean Hélène, l'un des médias à avoir couvert, avec le plus de lucidité et de courage, la montée des périls au Rwanda et la catastrophe du génocide de 1994."
"RFI fait ainsi, chaque année, la démonstration de son autonomie et en paye un prix parfois élevé. En 2003, au Sénégal, où sa correspondante a été expulsée pour avoir rendu compte d'une guerre qui empoisonne la vie des Casamançais. En Côte d'Ivoire en 2005, où, un an après l'ignoble assassinat de Jean Hélène, la même sanction que celle que vous avez décidé de lui infliger a été prise. A Madagascar la même année, où son correspondant, amoureux du pays, a brutalement été contraint de rentrer en France. En République démocratique du Congo en 2006, où sa correspondante a fait l'objet d'une campagne de haine très inquiétante, avant d'être obligée de quitter le territoire."
"RFI a été, est et restera une chaîne d'information de grande qualité, respectée et appréciée par les Rwandais. Par conséquent, la première victime de cette mesure est la population rwandaise, qui voit la diversité de ses sources d'information réduite. Reporters sans frontières vous demande de ne pas faire peser sur les auditeurs rwandais de RFI le poids d'une crise politique entre votre pays et la France."
Publié le
Updated on
20.01.2016