Reporters sans frontières condamne les attaques contre la chaîne Nessma TV suite à la projection du film Persepolis

Reporters sans frontières condamne l’attaque des locaux de la chaîne Nessma, le 9 octobre 2011,et l’intimidation de ses salariés et de son directeur. « Rien ne justifie ces attaques. Je comprends que la diffusion de Persepolis ait pu heurter certaines sensibilités, mais cela ne donne pas le droit de menacer de la sorte le directeur d’une chaîne de télévision. La liberté d’expression passe aussi par la tolérance à des idées qui choquent. Nessma TV avait le droit de diffuser Persepolis », a déclaré Jean-François Julliard, secrétaire général de l’organisation. Reporters sans frontières rappelle que seules les autorités judiciaires sont habilitées à arbitrer d’éventuels abus de la liberté de la presse. L’organisation demande aux autorités tunisiennes de condamner les actes de vandalisme et d’intimidation contre la chaîne Nessma TV et d’ouvrir une enquête afin de dégager les responsabilités et arrêter les auteurs de ces violences. Ces événements démontrent la nécessité d’adopter un nouveau code de la presse ainsi qu’une loi sur l’audiovisuel, respectueux des standards internationaux, notamment de l’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme ratifiée par la Tunisie. Ces dispositions doivent notamment supprimer les délits d’offense aux religions ainsi que les peines de prison. Le 9 octobre dernier, près de 300 personnes ont tenté d’attaquer les bureaux de la chaîne Nessma TV, situés dans le quartier de Montplaisir et sur l’avenue Mohamed V. Cette attaque fait suite à la projection deux jours plus tôt du film d’animation franco-iranien Persepolis de Marjane Sartrapi, qui décrit le régime iranien de Khomeiny à travers les yeux d’une petite fille, dans lequel la réalisatrice montre la représentation que cette enfant se faisait de Dieu. La projection a été suivie d’un débat sur l’intégrisme religieux. Les forces de l’ordre sont intervenues rapidement et ont dispersé les manifestants, interpellant une centaine de personnes. Sept personnes seraient actuellement poursuivies. Le 10 octobre au matin, 144 avocats ont déposé plainte contre le représentant légal de la chaîne et un de ses actionnaires (Nabil Karoui), sur le fondement des articles 44 et 48 du code de la presse (toujours en vigueur dans la mesure où les décrets loi relatifs au nouveau code de la presse et code de l’audiovisuel n’ont pas été promulgués) et des articles 226 et 226 bis du code pénal qui répriment « l’offense envers les cultes », « l’outrage public à la pudeur » et « l’atteinte aux bonnes mœurs et à la morale publique ». Le procureur a immédiatement ouvert une enquête préliminaire. Nabil Karoui, qui a été auditionné le 12 octobre à 14 heures, risque jusqu’à trois ans de prison ferme. La vague de violence et d’intimidation s’est poursuivie. Le 11 octobre, deux individus se sont introduits dans les bureaux de la chaîne, en menaçant de mort les salariés. Deux véhicules garés devant le domicile de Nabil Karoui ont été incendiés. La projection de cette œuvre artistique et l’attaque de la chaîne ont provoqué une vive polémique à l’approche de l’échéance électorale du 23 octobre prochain. Le Syndicat national des journalistes tunisiens a dénoncé l’agression contre la chaîne, ainsi que l’Association tunisienne des directeurs de journaux, qui a exprimé son soutien total à Nessma TV. L’Instance nationale pour la Réforme de l'Information et de la Communication (INRIC) a quant à elle condamné toute forme de violence et tentative de terroriser les professionnels des médias. Si des partis politiques ont dénoncé l’attaque, la majorité d’entre eux ont condamné ce qu’ils qualifient de provocation en période pré-électorale. Le 11 octobre, Nabil Karoui a présenté ses excuses.
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Updated on 20.01.2016