Reporters sans frontières dénonce l'interdiction de diffusion de l'hebdomadaire arabophone Nichane et demande le retrait de la plainte déposée contre le directeur de publication du journal et une journaliste.
Reporters sans frontières condamne fermement et sans aucune réserve l'interdiction qui frappe l'hebdomadaire arabophone Nichane et les poursuites engagées à l'encontre de ce journal. En prenant cette double initiative, les autorités marocaines rappellent, à qui l'aurait oublié, que l'arsenal juridique et administratif est toujours là qui limite la liberté d'expression des journalistes marocains. Malgré les promesses et les engagements pris ces derniers mois par Rabat, les “lignes rouges“ existent bel et bien qui contraignent tout travail journalistique. La sacralité du roi, l'islam en tant que religion d'Etat, le Sahara occidental, l'armée ou les bonnes moeurs : autant d'”interdits” réaffirmés tant dans le code de la presse de 2002 que la loi antiterroriste ou le projet de loi sur les sondages d'opinion. Et ce dans des termes flous qui en permettent une interprétation extensive. Des “interdits” qui sont d'ailleurs repris dans la charte déontologique récemment adoptée par la Fédération des éditeurs de presse.
Reporters sans frontières dénonce ces mesures qui relèvent du calcul électoral à la veille d'échéances qui pourraient être marquées par une forte poussée du mouvement islamiste. L'organisation craint que, loin de calmer les plus extrémistes, ces mesures n'exposent dangereusement les journalistes de Nichane. Elle demande solennellement aux autorités marocaines de revenir sur cette interdiction de diffusion de l'hebdomadaire et au parquet de Casablanca de retirer sa plainte pour “atteinte à la religion islamique” et “publication et distribution d'écrits contraires à la morale et aux moeurs”. Et réaffirme sa solidarité à l'égard du journal et des journalistes visés par ces poursuites et cette interdiction.
Reporters sans frontières rappelle que, déjà dans le passé, l'arsenal juridique aujourd'hui utilisé a été mobilisé pour frapper des publications ou des journalistes. Ainsi Ali Lmrabet a été condamné à dix ans d'interdit professionnel en juin 2005 pour “diffamation” après avoir affirmé que les Sahraouis vivant dans les camps de Tindouf étaient des “réfugiés” selon la terminologie de l'Organisation des Nations unies.
Nichane a consacré dans son numéro du 9 au 15 décembre dernier un dossier intitulé “Blagues : comment les Marocains rient de la religion, du sexe et de la politique”. Le gouvernement marocain a décidé, le 20 décembre 2006, d'interdire la diffusion de ce magazine arabophone pour “ atteinte à l'islam”. Le procureur du roi près le tribunal de grande instance de Casablanca a ordonné à la police judiciaire de diligenter une enquête au sujet de cet article. Le parquet a décidé de poursuivre Driss Ksikes, directeur de publication de Nichane, et la journaliste Sanaa Elaji pour “atteinte à la religion islamique” et “publication et distribution d'écrits contraires à la morale et aux moeurs”.