A l’occasion du démarrage de la campagne officielle à l’élection présidentielle iranienne, Reporters sans frontières a adressé ce jour une lettre aux candidats, exigeant notamment la libération sans condition des 13 journalistes et blogueurs toujours emprisonnés en Iran. L’Iran conserve ainsi, depuis de nombreuses années, la tête du peloton des pays du Moyen-Orient qui emprisonnent le plus grand nombre de journalistes.
A l’occasion du démarrage de la campagne officielle à l’élection présidentielle iranienne, Reporters sans frontières a adressé ce jour une lettre aux candidats, exigeant notamment la libération sans condition des 13 journalistes et blogueurs toujours emprisonnés en Iran.
Entre août 2005 et la fin du mois de mai 2009, plus de 100 médias ont été censurés et plus de 100 journalistes et blogueurs ont été arrêtés et condamnés. Pour la seule année 2008, trente journaux ont été suspendus, dont vingt-deux l’ont été sur décision de la Commission d’autorisation et de surveillance de la presse. L’Iran conserve ainsi, depuis de nombreuses années, la tête du peloton des pays du Moyen-Orient qui emprisonnent le plus grand nombre de journalistes.
Au cours des 12 ans de présidence de Mohammad Khatami et Mahmoud Ahmadinejad, la liberté de la presse est devenue plus que jamais un enjeu politique et social en Iran. Les espoirs suscités par l’élection du candidat modéré à la présidence, Mohammad Khatami, en août 1997, ont rapidement été déçus. L’appareil judiciaire et sécuritaire étant resté aux mains de ses adversaires conservateurs, la répression à l’encontre des médias s’est accrue, orchestrée par le Guide suprême de la République, l’ayatollah Ali Khamenei.
Avec l’arrivée au pouvoir du président ultraconservateur Mahmoud Ahmadinejad, la Commission d’autorisation et de surveillance de la presse, sous l’autorité du ministère de la Culture et de l’Orientation islamique, est devenue le principal organe de répression. Reporters sans frontières a ainsi observé un accroissement des atteintes aux libertés fondamentales dans le pays, notamment dans le domaine de la liberté d’expression.
Le futur président doit prouver qu’il peut faire évoluer l’Iran vers un Etat de droit. Et cela n’est pas possible sans une presse libre et indépendante. La liberté d’expression ne sera pas garantie dans ce pays tant que l’incarcération de journalistes continuera d’être monnaie courante et tant que la suspension des médias sera une pratique systématique.
C’est pourquoi, malgré le fait que ce scrutin n’offre pas toutes les garanties d’une élection démocratique, libre et transparente, Reporters sans frontières demande au futur président de la République islamique d’Iran de réformer la loi afin de dépénaliser les délits de presse et garantir ainsi la liberté d’expression sans discrimination de langue, de religion ou de sensibilité politique. Le texte actuel régissant la presse est particulièrement liberticide.
Reporters ans frontières exhorte également le futur président à amender l’article 24 de la Constitution qui, en stipulant que "les publications et les journaux sont libres d’exprimer toutes opinions sauf celles qui troublent les fondements de l’islam et la pudeur publique", contredit clairement l’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme et l’article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques des Nations unies, ratifiés par l’Iran en 1948 et 1975. La censure, officiellement destinée à protéger la population de contenus immoraux, s’est rapidement étendue aux informations politiques.
Il devra prendre des mesures immédiates pour mettre fin à l’impunité qui règne actuellement dans les affaires de meurtres et de tortures de nombreux professionnels des médias. Ainsi, les responsables de la mort de quatre journalistes Majid Charif, Mohamad Mokhtari, Mohamad Jafar Pouyandeh, Pirouz Davani et de la photographe irano-canadienne, Zahra Kazemi, doivent être poursuivis et répondre de leurs actes. Une enquête doit être ouverte sur la mort en détention du jeune blogueur Omidreza Mirsayafi.
En outre, le futur président doit mettre fin au monopole d’État sur l’audiovisuel, et garantir le libre accès à l’information. La possession d’une parabole constitue un délit aujourd’hui en Iran.
Le futur président doit mettre un terme aux pressions exercées sur les médias étrangers. En décembre 2008, le ministre de la Culture et de l’Orientation islamique, Mohammad Hossein Safar-Harandi, a interdit la nouvelle chaîne de télévision en persan de la BBC, ainsi que toute collaboration des journalistes iraniens avec les médias étrangers.
Par ailleurs, tout comme les journaux, les publications en ligne font l’objet d’un véritable harcèlement. Un projet de loi concernant les “délits d’Internet” a été adopté le 2 juillet 2008. Il vise à punir de la peine de mort la création de blogs et sites Internet faisant la « promotion de la corruption, de la prostitution et de l’apostasie ». Le 3 novembre 2008, la Commission de la justice du Parlement iranien a ratifié certains articles, instaurant ainsi un comité de filtrage spécifique à Internet. Le 19 novembre dernier, le conseiller du procureur général de Téhéran a ainsi publiquement reconnu que les autorités iraniennes étaient à l’origine du filtrage de “cinq millions de sites Internet”.
Le futur président devra également autoriser la réouverture des journaux suspendus et interdire le filtrage des sites d’informations et des publications en ligne.
Le futur président doit mettre un terme à ces mesures liberticides. En tant que garant de la Constitution, il doit refuser d’exécuter les arrêtés et les décisions prises illégalement par des institutions non élues démocratiquement, telles que le Comité en charge de déterminer les sites non autorisés ou le Conseil de la révolution culturelle.